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  • Описание стрелецких бунтов и правления царевны Софьи

    [ОПИСАНИЕ СТРЕЛЕЦКИХ БУНТОВ
    И ПРАВЛЕНИЯ ЦАРЕВНЫ СОФЬИ]

    MEMOIRE SUR LA PREMIERE REVOLTE DES STRÉLITZ
    en 1682

    éewitsch la mort de sa premiere épouse Agafia ou Agathe Simeonowna et celle de son fils le tsarewitsch Elie Feodorowitsch, prit beaucoup sur sa santé. Son ministre favori étoit alors Jasikow. Le tsar lui déclara, que vu la foiblesse de sa santé, et voulant prévenir des accidents, qui pourroient troubler la tranquillité de l’Etat, en cas, qu’il vint à mourir, il étoit dans le dessein de nommer son frere Pierre Alexéewitsch pour successeur au trone.

    Jasykow lui représenta, que le prince Jean Alexéewitsch étant du même lit, que lui, et l’ainé de Pierre, il devenoit son héritier naturel. Le tsar lui objecta la complexion trop foible du prince Jean, ajoutant que Pierre au contraire étoit d’une constitution robuste; que la providence lui avoit accordé en outre des talens particuliers, et qu’ainsi il étoit plus digne de lui succeder.

    Le favori par ressentiment de quelques demélés, qu’il avoit eû avec les Narischkins, fit tout son possible pour éloigner le prince Pierre du trone. Il conseilla même au tsar de se rémarier sans délai, pour donner des successeurs à l’Empire. Je me suis entretenu plusieurs fois, ajouta-t-il, avec les medecins touchant vôtre santé; tous m’ont repondu, que dans peu vous serés rétabli entierement, et que vous vivrés encor longtems.

    Le tsar entrainé par les conseils de Jasykow se rémaria avec Marfa Matfewna de la famille d’Apraxin, mais peu après sa maladie empira, et il mourut le 27 d’Avril de l’année 1682. Deux jours avant sa mort les strélitz, maltraités par leurs colonels, qui les employoient à toutes sortes de travaux, ne les en dispensoient même les jours de fêtes et leur retranchoient leur paye sous différents prétextes, présenterent une requête au tsar, dans laquelle ils demanderent, qu’on les satisfit sur toutes leurs plaintes. Ils choisirent un de leurs camarades pour la porter au bureau des strélitz. Le doumnoi dworänin, ou conseiller de la chancellerie, Paul Petrowitsch Jasykow, la reçut, leur promit d’en faire rapport au knés Juria Alexéewitsch Dolgoroukoi, chef du même bureau, et que le lendemain ils auroient réponse.

    Jasykow se rendit d’abord ches le knés Dolgoroukoi, mais il ne lui exposa pas la chose comme elle étoit. Il lui dit, qu’un strélitz yvre étoit venu lui remettre la requête, et qu’il avoit même parlé du knés dans des termes peu respectueux. Le knés Dolgoroukoi repondit, que si le strélitz étoit yvre, il falloit le faire punir de la knout le lendemain devant le corps de garde, pour donner exemple aux autres strélitz.

    ême strélitz retourna au bureau le jour après pour s’informer de l’effet, qu’avoit produit la requête, qu’il avoit présentée au nom de tous ses camarades. On lui répondit, que sa majesté tsarienne avoit ordonné de le punir de sa mutinerie, et de lui faire donner le knout, afin de statuer un exemple pour tous les autres. Deux archers, accompagnés du boureau, le conduisirent à l’endroit, ou l’exécution devoit se faire. Pendant qu’il se déshabilloit pour subir le chatiment prescrit par la sentence, il s’ecria aux autres strélitz: „Ce n’est que de votre aveu et de votre consentement, que j’ai présenté la requête, comment pouvés vous donc permettre, qu’on me fasse cet affront!“

    Quelques strélitz accoururent d’abord et delivrerent leur camarade après avoir maltraité les archers et le boureau.

    Le diak ou secretaire, qui étoit présent, et qui par bonheur pour lui n’étoit pas descendu de cheval, s’enfuit à toute bride, et courût donner avis au conseiller de la chancellerie de ce qui venoit se passer.

    Les strélitz de ce régiment, qui étoit celui du colonel Semen Gribojedoff, furent extrémement courroucés de cette affaire. Ils s’assemblerent la même nuit et le lendemain matin, inviterent les strélitz des autres régiments à faire cause commune avec eux et s’informerent, quels étoient les autres colonels, qui fournissoient les mêmes sujets de plainte.

    De vingt colonels, qui commandoient àlors 22 000 strélitz, ils s’en trouva neuf de coupables. Les strélitz formerent alors la résolution de se faire rendre justice contre leurs colonels, ou de les massacrer tous.

    éewitsch mourut à 4 heures après midi.

    Les strélitz furent sommés sur le champ de se rendre tous au Kreml, pour prêter serment au tsar Pierre déclaré successeur preferablement à son frere ainé Iwan Alexéewitsch, que sa santé foible, la difficulté de parler, et d’autres infirmités avoient exclus du trone. Ils le firent de bonne grace, et retournerent ensuite chez eux. L’enterrement du tsar se fit le 28 et les strélitz se tinrent tranquilles tout ce jour là; mais le 29 ils se rendirent en foule au Kreml pour demander au nouveau tsar, que les neuf colonels, qu’ils nommerent, fussent arrêtés en leur présence, qu’on les obligeât de rendre l’argent, qu’ils leur avoient extorqué, et de payer les travaux, qu’ils avoient faits pour eux, dont ils donnerent un état; que si on leur refusoit la satisfaction, qu’ils demandoient, ils se la procureroient eux mêmes, qu’ils massacreroient leurs colonels, pilleroient leurs maisons, et trouveroient par là de quoi se dedommager. Ils menacerent de ne point s’en tenir là, et d’étendre leur ressentiment sur plusieurs autres traitres, ajoutant, qu’il pourroit même couter la vie à des boyars, qu’ils nommerent pour la pluspart, et qui avoient pour lors le plus d’autorité; qu’enfin ils ne pouvoient plus supporter la tirannie de leurs colonels et la mauvaise administration des traitres, qui abusoient de la confiance de sa majesté.

    Un discours aussi hardi intimida la cour. On ordonna d’arrêter les neuf colonels accusés par les strélitz. Ils furent tous pris en deux jours et gardés dans la Pricase, ou bureau des reutres. Les strélitz firent beaucoup d’instances, pour qu’on les remit entre leurs mains, et qu’ils regleroient bientot leur compte avec eux; mais on leur refusa leur demande. En revanche on les assura, que sa majesté tsarienne leur feroit rendre justice de façon à en étre satisfaits. Cependant ils ne se contenterent point de cette promesse, et pretendirent absolument l’extradition de leurs colonels.

    Enfin quelques boyars, aimés des strélitz, et plusieurs évéques, pour lesquels ils ne temoignerent pourtant pas trop de déference, reglerent cette affaire d’une maniere, dont les strélitz parurent satisfaits. Les colonels furent condamnés à leur payer leurs pretensions suivant le compte, qu’ils en avoient donné, et ils furent démis de leurs charges. On promit en même temps de mettre d’autres chefs à leurs places, dont ils seroient contents. Les strélitz prétendoient, qu’il falloit faire donner le knout à leurs colonels, qui les avoient maltraités très souvent d’une façon impitoyable.

    Mais cette punition fut mitigée. On leur donna les battoggues, ce qui s’exécuta le 1 et le 2 de May sur la place publique devant le bureau des reutres. On deshabilla les colonels jus qu’à la chemyse et après les avoir couchés sur le ventre, deux hommes les battirent sur le dos avec de petites baguettes, tout aussi longtems, jusqu’à ce que les strélitz temoignerent, que c’étoit asses. Parmi les colonels il y en avoient quelques uns, contre lesquels les strélitz étoient le plus animés, et auxquels on fut obligé de reiterer le même chatiment jusqu’à trois reprises. Ceux que les strélitz hayssoient le moins, furent épargnés, et reçurent moins de coups. Tout cela se faisoit selon leur bon plaisir, et personne n’osoit les contredire.

    ès cette exécution les strélitz remercierent sa majesté de la bonne justice, qu’on leur avoit rendue, et les colonels apporterent l’argent, qu’ils devoient payer. Quelques uns furent obligés de donner jusqu’à 2000 roubles et plus. Ceux qui furent les plus promts à s’acquiter du payement, furent les premiers remis en liberté. Les autres qui furent plus lents, reçurent tous les jours pendant deux heures de suite des coups de baton sur les jambes, et cela dura jusqu’à ce qu’ils eussent payé. Tout fut acquité dans huit jours. Les colonels furent relachés en suite et démis de leurs charges, après quoi ils se retirerent sur leurs terres.

    ’on eut pour les strélitz, ne pouvoit pas manquer d’étre suivie de bien des inconvenients. Ils faisoient entendre continuellement dans leurs discours que le choix du nouveau tsar n’avoit pas été fait dans les regles, qu’ils ne pouvoient pas croire, que le prince ainé Iwan Alexéewitsch fût incapable de regner à cause des infirmités, qu’on lui attribuoit, et encor moins qu’il eût refusé lui même d’accepter la couronne, que c’étoit l’ouvrage de quelques traitres, dont les principaux étoient les Narischkins, pere et frere de la tsarine douairiere, mere de Pierre I, agé alors de dix ans. Ils disoient même ouvertement, qu’ils ne vouloient pas se laisser gouverner par les Narischkins, et par Artemon Sergeewitsch Matféew, qui devoit revenir de son exil, et qu’ils les tueroient plus tôt tous.

    La princesse Sophie ne pouvant souffrir que son frere Iwan fut exclus du trone, eut soin de fomenter par ses créatures cet esprit de sédition parmi les strélitz. Elle crut néamoins devoir employer d’abord les voyes les moins violentes pour parvenir à son but. Elle convoqua pour cet effet chez elle les princesses du sang, le patriarche, le haut clergé, les boyars, les généraux, la noblesse, et les marchands du premier ordre. Elle représenta à cette assemblée, que le prince Jean par son droit d’ainesse devoit necessairement monter sur le trone, et que c’étoit même le seul moyen de prévenir des troubles et des guerres civiles. Tous les regiments des strélitz, ajouta-t-elle, souhaitent de voir sur le trone le prince Jean, qui est beaucoup plus agé que le prince Pierre, lequel étant encor dans l’enfance, n’est point capable de gouverner l’Etat. Les vues de la princesse Sophie en tout cela étoient de se voir à la tête des affaires, dont elle ne manqueroit pas de se saisir à cause de son ascendant sur l’ésprit du tsar Jean et de la foiblesse de la santé de ce prince. L’ame de toute cette intrigue étoit le boyar Iwan Michailowitsch Miloslavski, homme fin et rusé, et proche parent de Sophie du côté de sa mére.

    Le patriarche exposa à la princesse les motifs, qui avoient engagé le tsar Feodor Alexéewitsch à préferer le prince Pierre; mais elle lui repondit, que cela ne suffisoit pas, qu’il falloit demander l’avis des strélitz, et du peuple, et s’en rapporter, à leur volonté. Le patriarche et le clergé répondirent, que le prince Pierre ayant deja été nommé au trone, et reconnu souverain, ils n’avoient pas le pouvoir de le détroner.

    La princesse désespérant de pouvoir faire donner l’exclusion à Pierre pria, qu’on lui associat au moins son frere Jean. Le patriarche répartit, que l’administration de plusieurs étoit sujette à bien des inconvenients, qu’il ne devoit y avoir, qu’un seul tsar, et que dieu le vouloit ainsi. Après quoi il fit une révérence, et sortit de l’assemblée.

    élitz, pour faire monter le prince Jean Alexéewitsch sur le trone. Elle leur fit promettre une augmentation de paye et d’autres gratifications.

    Miloslavskoi parvint par ses intrigues à mettre entierement les strélitz dans les intérets de la princesse. Mais comme il devoit appréhender, que l’entreprise ne reussît pas suivant ses voeux, il affecta une maladie et prit toutes les precautions possibles pour se mettre hors de soupçon. Trois courtisans — Alexandre Miloslavskoi et deux freres Tolstoi — ainsi que deux colonels des strélitz Ziegler et Oserow, conduisirent en attendant toute cette trame et convinrent secrettement avec les strélitz de ce qu’ils devoient faire. Sur ces entrefaites le boyar Iwan Maximowitsch Jasykow, qui avoit été favori du feu tsar Feodor Alexéewitsch, et Alexei Timofejewitsch Likatschow furent privés de leurs emplois. Le premier étoit grand chambellan, et le second trésorier. Il leur fût défendu de paroître en présence du nouveau tsar: mais on leur permit de voir la jeune tsarine douairiere. Le fils ainé de Narischkin, jeune homme de 23 ans, fût nommé boyar, et grand maître d’artillerie. Bien de persones pensoient que cette charge ne convenoit point à son age. L’autre frere Afonassei ou Athanase Kirilowitsch, agé d’environ vingt ans eût l’emploi de komnatnoi stolnick auprès du tsar Pierre Alexéewitsch.

    Ces dispositions augmenterent les murmures des strélitz prévenus d’ailleurs par la princesse Sophie contre la famille des Narischkins.

    Le boyar Artemon Sergéewitsch Matféeff au retour de son exil, s’étoit arrêté dans le voisinage de Moscou. Il n’avoit pas grande envie d’entrer dans la ville, avant d’étre assuré, que les esprits aigris commencoient à se radoucir. Mais comme ce seigneur étoit aussi respectable par son age, que par son expérience consommée dans les affaires tant politiques que militaires, on jugea sa présence absolument nécessaire dans cette crise. Sa majesté envoya au devant de lui un de ses propres carosses, dans lequel il arriva en ville le 11 de May, et se rendit dans sa maison, qui avoit été préparée pour le recevoir. Le lendemain il alla à la cour et y fut reçu avec toute la distinction possible tant de la part du tsar Pierre I, et de la tsarine sa mere que par tous les seigneurs de la cour.

    Le titre de boyar lui fut d’abord rendu, de même que toutes ses terres et ses domestiques qui s’étoient engagés pendant son exil au service d’autres maîtres. Le 12, le 13 et le 14 sa maison ne desemplit point d’une foule de persones, qui s’empressoient de lui marquer leur joie de son retour. On lui envoya de tous côtés des provisions pour sa maison. Quelques strélitz même allerent lui présenter au nom de tous leurs camarades du pain et du sel, comme c’est la coutume, quand quelqu’un arrive, ou entre dans une nouvelle maison. Il n’est gueres possible d’exprimer, avec quelle politesse et quelle soûmission melée de larmes il recevoit et embrassoit ceux, qui lui faisoient visite. Il n’y avoit pas jusqu’à ceux, qui n’étoient point de ses amis, qui ne se réjouissoient de son retour. Ils esperoient, que sa présence dissiperoit les troubles, que l’on appréhendoit de la part des strélitz.

    ’approuva point à son arrivée à Moscou l’élevation subite des fils de Narischkin, et surtout celle de l’ainé à une si haute dignité. Il trouva, qu’il étoit d’une consequence très dangereuse d’avoir accordé aux strélitz tant de pouvoir sur leurs colonels, connoissant trop bien leur esprit toujours disposé à la mutinerie et à la revolte, comme la suite ne le prouva que trop.

    Après l’arrivée de Matféew les strélitz ne s’entretenoient que de déliberations formées dans le conseil des boyars pour se saisir des auteurs de ce qu’ils appeloient entre eux la bonne action, de les punir de mort, et de disperser la pluspart des autres dans des garnisons éloignées. L’indiscrétion d’Iwan Kirilowitsch Narischkin acheva d’aigrir les esprits. C’étoit un jeune étourdi qui ne ménagoit pas même les seigneurs les plus agés. Il en tiroit souvent quelques uns par la barbe, ce qui dans ce tems là étoit l’affront le plus sensible. Aussi plusieurs d’entre eux s’en plaignirent-ils dans leurs conversations avec les strélitz.

    Le dimanche 14 May et le jour suivant les strélitz disoient publiquement, qu’Iwan Kirilowitsch, étant entré dans la garderobe, s’étoit revétu de la robe du tsar, et que s’étant assis sur le trone, il avoit dit, que la couronne ne sieoit à personne si bien qu’à lui; que la jeune tsarine douairiere, et la princesse Sophie lui ayant fait des reproches de son insolence, il en étoit devenû furieux au point, que s’étant levé tout d’un coup de sa chaise, il s’étoit jetté sur le prince Iwan pour l’étouffer, et que les gardes de la porte accourues aux cris des princesses l’en avoient seules empêché. Tout cela n’étoit cependant que des faux bruits, qu’on faisoit répandre à dessein de rendre les Narischkins plus odieux au peuple.

    Le Lundi 15/26-me de May, pendant que les boyars étoient encor assemblés au conseil, on entendit tout à coup un strélitz, qui étoit de garde au palais devant l’appartément du tsar crier à haute voix, qu’Iwan Narischkin vouloit étouffer le prince Iwan Alexéewitsch. Sur le champ on cria aux armes. Quelques uns coururent pour sonner le tocsin. La pluspart des strélitz, qui étoient dans le Kreml coururent au palais, d’autres occuperent les portes, et ne laisserent sortir personne. Les courtisans qui étoient de service, et dont quelques uns ne venoient que de s’eveiller, tacherent de se sauver comme ils purent. D’autres se cacherent ça et là. Plusieurs carosses des seigneurs, qui devoient être la victime de la fureur des seditieux, furent hachés en pieces, et les chevaux estropiés. En attendant Pierre Tolstoi émissaire de Miloslavskoi parcourut à cheval tous les quartiers de la ville ou demeuroient les strélitz criant à haute voix, que les Narischkins avoient étoufés le prince Jean, et que les strélitz devoient se rendre en diligence au Kreml. Ceux-ci deja preparés n’attendoient que le signal. Ils coururent donc comme des forcenés au Kreml avec leurs armes, drapeaux déployés et menant du canon avec eux. Lorsqu’ils furent arrivés devant le palais, ils s’ecrierent tous: „Donnés nous les traitres Narischkins, qui ont étoufé le prince Iwan Alexéewitsch, ou nous massacrerons tout le monde“.

    Les boyars knés Michel Jurjewitsch Dolgoroukoi, chef du bureau des strélitz, et Artemon Sergeewitsch Matféew allerent sur le grand escalier, et assurerent les strélitz, que le prince Iwan Alexéewitsch étoit en bonne santé, et qu’il alloit sortir à l’instant pour se montrer. Cela les tranquillisa un peu. Cependant la princesse avoit ordonné de distribuer aux revoltés quelques tonneaux d’eau de vie sous pretexte de les appaiser. La tsarine Natalia Kirilowna sur les instances des boyars parut avec les princes sur le grand escalier, accompagnée de la princesse Sophie, ce qui deconcerta entierement les rébelles. Plusieurs d’entre eux monterent sur l’escalier et demanderent au prince Iwan s’il l’étoit veritablement. Quand il les en eût assurés, ils s’ecrierent tous: „Vous serés notre tsar et perissent tous les traitres!“ Ils exigerent en même temps, que le tsar Pierre remit le sceptre à son frere ainé, ce qu’il fut obligé de faire. Après cela ils s’ecrierent derechef: „Remettés entre nos mains les traitres, et principalement les Narischkins pour les exterminer tous, et qu’on enferme dans un couvent la tsarine Natalia Kirilowna; nous defendrons jusqu’à la derniere goute de sang nôtre tsar Iwan Alexéewitsch et nôtre prince Pierre Alexéewitsch“. Le knés Dolgoroukoi et le boyar Artemon Matféew sortirent pour la seconde fois; et le premier ayant descendu le grand escalier, parla aux strélitz avec douceur et tacha de les faire rentrer dans leur devoir, les assurant qu’on auroit soin de les satisfaire en tout.

    ’effet des persuasions de ce seigneur, les fit avertir sur le champ, que s’ils ne massacroient pas le jour même les persones dont les noms étoient écrits sur la liste, qu’on leur rémit, ils le seroient eux mêmes le lendemain.

    Cet avis mit les strélitz en fureur et ils ne voulurent plus rien écouter. Ils se saisirent du knés Dolgoroukoi, et après de Matféew et les jetterent tous deux du haut de l’escalier. Les autres strélitz les reçurent sur leurs piques, et après les avoir tués, ils trainerent leurs corps nuds sur la grande place devant le Kreml.

    A peine cette premiere scene tragique fut elle finie, qu’ils crierent de nouveau, qu’on leur remît aussi les autres traitres, dont le nombre suivant leur liste devoit monter à 40. Comme personne ne paroissoit, ils entrerent eux mêmes dans les appartements intérieurs et dans les eglises, oubliant le respect dû aux tsars, ainsi qu’aux tsarines douairieres et aux princesses. Ils y trouverent le second fils de Narischkin, Afanassei Kirilowitsch. Ils le trainerent par les cheveux jusqu’au grand escalier, et le jetterent sur les piques de leur camarades, qui le massacrerent comme les deux premiers, et trainerent son corps sur la place, ou étoient les autres.

    Le doumnoi diack Lariwon Iwanow, et son fils Wassili, que les strélitz trouverent aussi dans une eglise, eurent le même sort.

    Pendant que les strélitz, qui étoient en bas, crioient sans cesse: „Vivent notre tsar Iwan Alexéewitsch, et notre prince Pierre Alexéewitsch, et périssent tous les traitres!“ ceux qui étoient sur l’escalier continuoient à demander l’extradition d’Iwan Kirilowitsch Narischkin.

    étoit fort aimé des strélitz, perdit la vie innocement. Les strélitz demandant continuellement Iwan Kirilowitsch, et voyant par derriere un jeune homme, qui se pressoit d’entrer dans une eglise, s’ecrierent d’abord: „Voila Iwan Narischkin!“. Il le saisirent incontinent, et comme il ne pouvoit pas se faire connoître sur le champ à cause de la grande frayeur, dont il étoit agité, ils le jetterent en bas de l’escalier, le tuerent et trainerent son corps auprès des autres. Ayant ensuite remarqué leur méprise, ils porterent le corps dans la maison de son pere, qui étoit pour lors malade, et lui firent leurs excuses. Le pere ne leur repondit autre chose si non, que c’étoit la volonté de Dieu et fit regaler les porteurs d’eau de vie et de biere.

    Le général knés Grigorey Grigoriewitsch Romodanofski fut trouvé bientôt après, et expedié comme les autres. On épargna son fils, peut étre parce qu’il n’étoit pas sur la liste, ou comme disoient les strélitz, en considération de ce qu’il avoit été vingt ans en esclavage ches les Tatares de la Crimée.

    înt, le vieux boyar knés Juria Alexéewitsch Dolgoroukoi fut encor sacrifié à la rage des strélitz. Ce seigneur voulant retourner à sa maison vit son carosse entouré par les strélitz, qui s’offrirent de le conduire chez lui, l’assurant que leur premiere intention n’avoit pas été de tuer son fils; mais qu’il leur avoit parlé avec trop de dureté, et qu’il s’étoit joint à Artemon Matféew pour les punir, ils s’étoient portés à cette action dans un premier moment de fureur, et qu’ils lui en demandoient pardon. Il n’osa leur dire autre chause si non que c’étoit la volonté de Dieu. Les strélitz le conduisirent très respectueusement jusques chês lui, ou il leur fit donner de l’eau de vie, et de la biere à discrétion. Quand ils eurent assés bû, ils le remercierent et prirent congé de lui. La femme de son fils entra en même tems fondant en larmes, et deplorant la perte de son époux. Le viellard lui répondit par un proverbe, quoiqu’on ait mangé le brochet, les dents en restent encor. Un strélitz, qui s’étoit arreté dans le vestibule ayant entendu cela, rappella les camarades et leur dit: „Ecoutés mes freres, il nous menace encor“. Sur cela ils rentrerent comme des furieux, se saisirent du viellard, et l’ayant trainé par les mains et par les pieds devant la porte de sa maison, ils l’y tuerent, lui couperent les mains et les pieds, et laisserent son corps dans la boue au milieu de la rue.

    La moitié des strélitz resterent dans le palais pendant la nuit, les autres garderent les portes de la ville, et quelques uns allerent chercher les victimes specifiées sur la liste. Ils fouillerent leurs maisons de même que celles de leurs voisins.

    Ils se donnerent surtout toutes les peines imaginables pour trouver un certain medecin, nommé Daniel von Gade, qui avoit été premier medecin du tsar Feodor Alexéewitsch. Les strélitz l’accusoient d’avoir empoisonné le tsar. Les voisins de ce medecin essuyerent bien des avanies par les recherches, qu’on fit de sa persone. Plusieurs strélitz entrerent l’un après l’autre dans la maison de son collegue nommé Goutmensch. Toutes fois ils ne lui firent pas le moindre mal pour lors. Lors qu’ils revinrent la seconde fois pour le chercher, le pauvre homme effrayé, et croyant qu’on venoit le prendre lui même, voulut se cacher sous le toit. Les strélitz ayant trouvé l’emmenerent avec eux disant: „Tu as été grand ami de Daniel, il faut que tu l’ais caché quelque part. Nous te garderons aussi long tems, qu’il soit retrouvé“. Ils se saisirent aussi de la femme de Daniel, et donnerent Goutmensch à garder à quelques strélitz, qui étoient sur le grand escalier, d’ou l’on avoit jetté les seigneurs massacrés. Ils eurent néamoins assés de condescendance pour permettre que la femme du docteur’ Daniel, qui étoit enceinte, fut gardée dans une petite chambre separée.

    ça tous les deux de les faire mourir si on ne retrouvoit pas le docteur Daniel.

    Le 16/27 au matin les strélitz s’assemblerent de nouveau au Kreml et ne laisserent de leurs camarades qu’autant qu’il en falloit pour la garde des portes. Les plus hardis d’entre eux penetrerent dans les apartements intérieurs pour chercher les Narischkins. Ne les trouvant pas, ils massacrerent premierement le boyar Iwan Maximovitsch Jasykof et le doumnoi diak ou secretaire d’Etat Awerkei Kirilof, ainsi qu’un colonel russe Grigorei Gorouschkin, qu’ils avoient tirés de leurs maisons ou ils s’étoient cachés. Ils les conduisirent au chateau, jusqu’à ce que tous les strélitz fussent assemblés. Ces pauvres victimes, dont on ne vouloit point entendre la justification, furent jettées comme les autres du haut de l’escalier sur les piques et les pertuisanes des strélitz, qui se tenoient en bas. Leurs corps nuds furent après trainés hors du Kreml et jettés auprès de ceux que l’on avoit massacrés le jour précedent. Une heure après on aprit qu’on avoit trouvé dans la rue le fils du docteur Daniel travesti. Personne n’avoit pas voulu le recevoir dans la crainte d’un traitement pareil. Les strélitz lui demanderent où étoit son pere. Il leur répondit qu’il ne le savoit pas, sur quoi ils l’expedierent comme les autres, en le jettant du haut de l’escalier. Le docteur Goutmensch fut massacré de la même façon, et l’on ne voulut point écouter les preuves de son innocence. Les strélitz se contenterent de lui dire que puisqu’on n’avoit pas trouvé Daniel, il falloit qu’il paÿât pour lui, qu’il avoit merité ce sort, puis qu’il avoit préparé les medicaments, qui avoient donné la mort au tsar Feodor Alexéewitsch. On voulut traiter de même la femme du docteur Daniel. La jeune tsarine douairiere pour laquelle ils avoient encor quelques égards interceda pour elle, et lui sauva la vie. Il y auroit eû pourtant plus de difficultés à arracher de leur mains cette pauvre femme sans le bruit qui se répandit qu’on avoit saisi un Narischkin, jeune homme de 20 ans et cousin des autres, que l’on fit mourir sur le champ. Un colonel nommé André Doctorof du nombre de ceux contre lesquels ils avoient porté leurs plaintes et qu’on avoit trouvé sous l’autel dans une église, eut le même sort. Après midi on traina encor quelques ecrivains sur la grande place, et on leur fit subir le même supplice. C’est ainsi que finit ce jour. Cependant on avoit cherché avec beaucoup de soin pendant toute la journée ainsi que la nuit suivante le medecin Daniel et Iwan Kirilowitsch Narischkin. Quant à Kirila Polieuctowitsch Narischkin, pere de la tsarine, on parvint enfin à disposer les strélitz de lui laisser la vie, mais il fut obligé de se faire d’abord moine et on l’envoya dans un couvent eloigné. On accorda pareillement la vie à ses trois plus jeunes fils qui profitant de cette disposition des strélitz s’eloignerent de Moscou sans perdre un seul instant.

    Le matin du 17/28 May on apprit de la Slabodde, fauxbourg ou demeuroient la plus part des officiers Allemands, que le medecin Daniel y avoit été pris la nuit précedente en habit de mendiant; qu’il s’etoit caché deux jours et deux nuits dans le bois et dans les environs, mais qu’à la fin ne pouvant plus supporter la faim, il etoit entré dans la Slabodde, pour demander à manger a quelqu’une de ses connoissances; qu’il avoit été reconnu et arreté par quelques strélitz. Cette trouvaille causa beaucoup de joye aux strélitz. Ils envoyerent sur le champ une trouppe de leurs camarades qui le conduisirent de la Slabodde au Kreml devant les appartements des tsars, garotté et en habit de mendiant, ayant un sac à coté et des souliers attachés sur le pied avec de l’ecorce d’arbre. La princesse Sophie et la jeune tsarine douairiere sortirent d’abord et prierent qu’on accordât la vie au medecin. Elles le declarerent innocent de la mort du tsar Feodor Alexéewitsch, assurant qu’il avoit premierement gouté lui même tous les remedes preparés pour sa majesté, et que la tsarine ainsi que la princesse avoient fait la même chose. Tout cela ne fut point capable de faire changer de sentiment aux strélitz. Ils s’écrierent qu’il avoit non seulement empoisonné le tsar, mais qu’il étoit sorcier; qu’ils avoient trouvé dans sa maison un certain animal de mer à plusieurs pieds (polype), ainsi que des peaux de serpents dont il se servoit dans ses sortileges, et que par cette raison seule, il meritoit la mort. Ils ajouterent même avec brutalité: „Nous savons qu’Iwan Kirilowitsch Narischkin est caché ches vous; si vous le remettez entre nos mains, nous serons satisfaits, et nous cesserons toute poursuite ulterieure, comptant bien que sa majesté fera punir par la main du boureau ceux qui sont encor marqués sur notre liste, et qui se sont évadés. Nous retournerons même chez nous pourvû que l’on nous accorde une amnéstie générale et que l’on ne nous traite pas comme rébelles pour ce qui vient de se passer“.

    Toutes leurs demandes leur furent accordées, mais lorsqu’on voulut les prier de ne point ôter la vie à Iwan Kirilowitsch Narischkin et au medecin, ils se boucherent d’abord les oreilles, et répéterent sans cesse: „Nous savons qu’Iwan Narischkin est caché ches vous, rendés le de bon gré, ou nous ferons tant de perquisitions que nous le trouverons enfin; alors les choses pourroient aller encor plus mal; il suffit que nous avons accordé la vie au vieux Narischkin, et à ses trois plus jeunes fils; quant à Iwan Kirilowitsch, il faut absolument qu’il meure par nos mains.“ On les pria de prendre patience quelque tems. La jeune tsarine douairiere et la princesse Sophie sortirent encor une fois, et intercederent pour Narischkin. On fit même venir un metropolitain avec l’image de la s. vierge pour tacher de flechir ces barbares, mais ce fut envain.

    Enfin l’ainée des tsarines douairieres ayant fait administrer à son frere Iwan le saint sacrament et l’extréme onction, sortit avec lui. Il se tenoit derriere elle et la sainte image, que le metropolitain portoit. Les deux tsarines, que la princesse Sophie imitoit par affectation, se mirent à genoux et supplierent les strélitz de laisser la vie à Iwan Narischkin; mais ces demarches humiliantes n’aboutirent à rien. Un de ces barbares perdant tout respect pour les tsarines monta l’escalier, et après avoir pris Iwan Narischkin par les cheveux l’arracha par force des mains des tsarines, et le traina en bas de l’escalier. On le conduisit après avec le medecin Daniel à un endroit situé à l’extremité du Kreml pour les appliquer tous les deux à la question, rigueur qu’ils n’avoient point encor exercée envers aucun de ceux qu’ils avoient massacrés. Ce fut un rafinement de cruauté de leur part pour leur rendre la mort plus douloureuse. Iwan Narischkin fut appliqué le premier à la torture et malgré qu’on le tourmentât d’une façon affreuse, il ne repondit pas un seul mot. Quelques strélitz le trainerent ensuite sur la grande place devant le Kreml, ou l’on le hacha en pieces, et l’on mit sa tête, ses pieds et ses mains sur des pointes de fer. Le medecin Daniel fut appliqué à son tour à la question. Quelques strélitz faisoient les fonctions de boureaux, et d’autres enregistroient tout ce qu’il repondoit. A la fin cet examen leur paroissant trop ennuyeux, ils dechirerent le registre et le trainerent sur la grande place hors du Kreml, ou ils le massacrerent, et hacherent son corps en pieces. Pendant toutes ces scenes tragiques ils observoient entr’eux une discipline fort exacte. Celui qui étoit convaincû du moindre vol ou pillage, étoit d’àbord puni. Toutes les fois qu’on produisoit une nouvelle victime, on donnoit au chateau le signal pour battre la caisse, et sonner le tocsin, ce qui continuoit si long temps jusqu’à ce que le malheureux fut trainé hors du Kreml, et mis à mort sur la grande place. Quand quelqu’un étoit condamné à mort, on le conduisoit sur le grand escalier devant le palais et les strélitz qui étoient en haut l’elevoient, afin que leurs camarades, qui étoient en bas pussent le voir; après quoi ils leur demandoient: „Freres le souhaitez-vous?“ Ceux, qui étoient en bas, n’avoient pas plutôt repondu: „Oui, nous le souhaitons“, qu’ils presentoient leurs piques et hallebardes. La malheureuse victime étoit saisie par les mains et par les pieds et jettée d’en haut sur les piques. Après quoi on la trainoit sur la grande place hors du Kreml, ou l’on achevoit de lui donner la mort. Il étoit midi passé lorsque le medecin Daniel fut massacré. Les strélitz se presenterent après devant le palais, et crierent tous: „A present nous sommes satisfaits! Que sa majesté tsarienne en use avec le reste de traitres selon son bon plaisir. Nous répandrons jusqu’à la derniere goutte de notre sang pour sa sureté, celle des tsarines, des princesses, et de nõtre prince“. Sur cela le prince ainé Iwan Alexéewitsch les pria de vouloir bien le dispenser d’accepter la couronne parce qu’il se sentoit lui même d’une constitution trop foible, et ne se promettoit pas une longue vie, qu’il la cedoit très volontiers à son frere Pierre Alexéewitsch. Les strèlitz s’ecrierent alors tous unanimement, que le bon dieu veuille conserver la santé du prince Pierre Alexéewitsch. Le prince Iwan flechit enfin les strélitz par ses prieres, et obtint d’eux que la tsarine douairiere Natalie Kirilowna resteroit auprès de Pierre premier son fils. Leur premier dessein étoit de la faire enfermer dans un couvent.

    élitz affectoient de dire, qu’ils n’agissoient qu’au nom du tsar Iwan Alexéewitsch, quoiqu’ils se souciassent fort peu de ces ordres, et ne suivissent que les mouvements de leur caprice et de leur rage. Ils pretendoient que s’ils auroient differé plus long temps d’executer leur projet, ils auroient risqués eux mêmes de perdre la vie, parcequ’on avoit resolu d’armer tous les valets de boyars dont le nombre surpassoit au moins quatre fois celui des strélitz, ce qui auroit occasionné un massacre encor plus grand, peut étre même qu’alors toute la ville de Moscou eut été ruinée par le fer et par le feu.

    Le 17/28 de May sur le soir les strélitz publierent que chacun pût venir prendre ses morts et les enterrer, ce qui fut fait sur le champ. Il ne resta sur la grande place que le corps d’Iwan Kirilowitsch Narischkin, ceux du medecin Daniel, de son fils, et du medicin Goutmensch. On voit par là que l’esprit des strélitz étoit deja un peu adouci, puisque le matin ils avoient donné à entendre, qu’ils feroient jetter tous les corps morts dans un bourbier hors de la ville, pour les faire devorer par les chiens. Pendant ce grand tumulte personne n’osoit dire aux strelitz un môt, qui leur fût desagreable, à moins de risquer de perdre la vie. Quand ils vouloient entrer dans quelque maison, il falloit d’abord leur ouvrir les portes, les regaler de biere et d’eau de vie, et leur donner de l’argent, s’ils en demandoient. Le 18/29 de May les strélitz proclamerent tsar e prince Iwan Alexéewitsch conjointement avec son frere Pierre Alexéewitsch, en donnant la preseance au premier. Les boyars du parti de Pierre intimidés par les exemples tragiques qu’ils avoient devant les yeux, furent obligés de prêter le serment au tsar Iwan Alexéewitsch. Les strélitz confierent le soin de l’administration à la princesse Sophie. C’est ainsi que finit cette premiere rebellion. La princesse chargea le knés Iwan Hovanskoi et son fils André de la direction du bureau des strélitz, et dans les autres departements et bureaux elle plaça de boyars qui lui étoient devoués. Elle augmenta aussi la paye des strélitz, jugeant toutes ces demarches nécessaires pour s’affermir dans son poste. Le knés Hovanskoi et son fils André pour faire leur cour aux strélitz leur distribuerent des sommes immenses sous le titre d’arrérages. Les terres des boyars mis à mort furent confisqués, leurs effects vendus, et l’argent distribués aux strélitz. La princesse Sophie leur permit d’élever sur la grande place devant le Kreml un monument sur lequel ils inscrivirent les noms des personnes massacrées, et les crimes qu’on leur attribuoit. Elle fit expedier en outre aux strélits des lettres patentes, qui certifioient, qu’ils avoient exterminés des traitres, et que par leur zele et leur fidelité ils avoient sauvé la vie aux deux tsarewitsch. Ces deux princes furent couronnés par le patriarche Ioakim le 25 de Juin — 6 de Juillet 1682.

    SECONDE REVOLTE DES STRÉLITZ

    Le knés Chovanskoi étoit secretement de la secte de l’archipretre Abbakum, dont les hérésies avoient excité un soulevement parmi le peuple quelque tems auparavant. Il y avoit parmi les strélitz beaucoup de ces sectaires, entretenus dans leurs erreurs par un certain Nikita Raspope, surnommé le faux saint. Quelques moines vagabonds et débauchés attirerent aussi dans ce parti plusieurs marchands et des gens de la lie du peuple. Leur dessein étoit de détruire la vraie religion, et d’étendre leur hérésie dans toute la Russie. C’étant donc assurés d’un bon nombre de partisans et se fondant sur la protection de Chovanskoi, ils firent soulever la populace.

    Le 5/16 de Juillet, ils allerent en cérémonie à l’eglise cathédrale portant devant eux des saintes images, des cierges allumés et un pupitre. Le patriarche Ioachim étoit pour lors dans la cathédrale avec les archevêques et d’autres ecclésiastiques. Il exhorta les hérétiques à rentrer dans leur devoir, leur promettant de discuter avec eux en toute liberté les points qui les séparoient. Mais ces fanatiques ne voulurent point y consentir. Ils se prirent même à lui jetter des pierres, l’appellant loup, exacteur, et le chasserent de l’eglise avec tout son clergé. Le patriarche accourut tout effrayé dans le palais impérial, entra dans la grande salle des audiences et pria les tsars de défendre l’eglise. Ils firent appeller la princesse Sophie et convoquer tous les boyars. On prit dans cette assemblée la ferme résolution d’employer des moyens vigoureux pour empêcher les progrès de l’hérésie.

    élitz, que les tsars étoient dans un danger éminent. Les strélitz bien intentionés députerent secretement chez leurs camarades pour les engager d’accourir au plus vîte à la défence de l’eglise. Ils s’assemblerent sur le champ et déclarerent aux hérétiques assemblés, qu’ils étoient prêts à verser jusqu’à la derniere goutte de leur sang pour la véritable religion. Après quoi ils renforcerent les postes tout autour du palais. Chovanskoi feignant d’ignorer ce qui se passoit, vint informer les tsars du soulevement du peuple pour cause de religion. Il conseilla à leurs majestés de convoquer un concile pour calmer la multitude, ajoutant qu’il étoit impossible d’employer la voye des armes pour étouffer cette sédition, parceque le parti étoit trop nombreux.

    Les tsars lui demanderent: si les conciles s’assembloient d’une maniere si tumultueuse, qui indiquoit plutôt le dessein formel d’un attentat, que d’un concile?

    Cependant ces fanatiques et les strélitz, suivis par leurs faux docteurs et par une foule de peuple, entrerent dans la salle d’audience. Ils portoient devant eux des images, des cierges, des pupitres et des livres. Plusieurs d’entr’eux avoient des pierres cachées dans leurs habits, pour en assomer leurs adversaires. Ils présenterent aux tsars une requête qui fut lue, après quoi le patriarche entama la dispute, et Athanase archevêque de Kolmogory acheva de les confondre. Cet archevêque avoit suivi les mêmes dogmes quelque tems auparavant, mais ayant reconnu son erreur il étoit rentré dans le sein de l’eglise. L’imposteur ne sachant que lui répondre, le frappa au visage, et les autres jetterent des cris séditieux. Les tsars rompirent la séance en se retirant dans leurs appartements. Pierre premier soulevant la couronne qui étoit sur sa tête dit: „Tout aussi longtems que ma tête sera ceinte de ce diademe, et que mon ame sera dans mon corps, je n’abandonnerai point l’eglise ni la vraie religion“. Puis se tournant vers les boyars et les autres seigneurs, il ajouta: „Prenés courage contre nos ennemis communs“. Après quoi il commanda de les chasser tous du palais et d’arrêter Nikita Raspope avec les autres chefs de ces sectaires. Les strélitz restés fideles à leur devoir exécuterent sur le champ l’ordre de leur souverain. Le patriarche et tout le clergé se jetta au pieds de Pierre premier pour le remercier de l’appui qu’il donnoit à l’eglise. Le 6/17 Juillet l’imposteur Nikita eut la tête tranchée sur la place publique devant le Kreml. Ses fauteurs et les vagabonds subirent la peine du knout, et furent envoyés en exil. Ces exécutions intimiderent Chovanskoi et le reduisirent au silence, de même que ses adhérents; mais ils en conserverent toujours un ressentiment secret.

    Cependant les strélitz élurent des députés pour faire des représentations aux tsars; et au lieu du nom de strélitz, ils se nommerent l’infanterie de la cour. Ils se plaignirent à Chovanskoi qu’il leur étoit dû quelque chose par leurs colonels. Malgré la fausseté de cette imputation leur chef ordonna sans autre perquisition qu’on les satisfît. Les colonels furent condamnés en conséquence à leur payer plusieurs milliers de roubles, ce qui ruina la pluspart de ces officiers.

    La faveur dont Chovanskoi jouissoit auprès de la princesse Sophie lui fit naître le dessein de se venger de Miloslavskoi avec qui il avoit eu quelques démêlés. Il jetta les yeux sur les strélitz pour le massacrer. Ils chercherent bientôt l’occasion de satisfaire Chovanskoi. Mais Miloslavskoi ceda pour un moment à l’orage et se retira secretement dans ses terres. Il reparut néamoins quelque tems après à la cour. Il accusa Chovanskoi devant la princesse Sophie d’avoir parlé avec affectation en public de sa haute naissance, de s’être dit descendu des rois, et de s’être même vanté qu’il se remarieroit à une des princesses. Sophie fut indignée de son audace; mais elle dissimula adroitement, bien résolue de faire éclater son indignation quand il en seroit tems.

    Chovanskoi d’intelligence avec les strélitz s’occupa du soin d’affermir l’hérésie, et de mettre la derniere main à son entreprise criminelle. Les tsars informés de ses menées secrettes, se rendirent le 29 Août de Moscou à Kolomenskoe, emmenant avec eux tous les boyars et les autres seigneurs de la cour Chovanskoi ne soupçonoit point qu’ils dussent aller plus loin.

    Le 2 Septembre, on trouva un écrit attaché aux portes du palais de Kolomenskoe, dans lequel on avertissoit que Chovanskoi, son fils et ses partisans tramoient une conspiration contre la vie de leurs souverains, du patriarche et des boyars; qu’ils pensoient même à se rendre maîtres de l’Empire. Cet avis obligea les tsars de partir ce jour même de Kolomenskoe, pour le village de Worobievo, où la tsarine douairiere Natalie Kirilowna, et la princesse Natalie Alexéewna les accompagnerent.

    élitz n’eurent pas plutôt appris l’éloignement des tsars, qu’ils commencerent à se repentir de leur entreprise.

    Les tsars envoyerent du monastere de Savin des ordres à toutes les villes de rassembler des troupes et de les faire marcher au monastere de la Trinité pour mettre leurs souverains à l’abri des entreprises des strélitz. On ordonna en même tems à Chovanskoi de s’y rendre, mais il n’en fit rien. Les gentilshommes ayant reçu l’ordre, leverent autant de troupes qu’ils purent, s’empresserent de se rendre au monastere de la Trinité, et s’encourageoient l’un l’autre à faire toute la diligence possible. Ils y arriverent au nombre d’environ cent mille hommes, et supplierent les tsars de se faire voir aux troupes. Leurs majestés se rendirent au camp et leur firent un récit des desseins criminels des strélitz. Les gentilshommes indignés de la lacheté des boyars, des commandants et des habitants de Moscou, menacerent de les hacher en pieces pour n’avoir pas défendu leurs souverains et avoir donné tant de liberté aux strélitz. Pour ce qui est des gentilshommes des villes voisines, ajouterent-ils, il faut les dégrader de noblesse et les mettre au nombre des strélitz rebelles, pour les punir de leur négligence à défendre leurs maîtres, et d’avoir laissé les strélitz tranquilles, au lieu de les punir sévérement.

    éfendirent de se porter à aucun excès. Cependant ils insisterent sur la punition des mutins, représentant que si l’on ne prenoit ce parti, ils deviendroient insolents à l’avenir et se souleveroient à la premiere occasion. Leurs majestés assurées de leur fidelité, n’en retinrent qu’une partie auprès d’elles, et renvoyerent les autres chez eux. Avant leur départ, les tsars accorderent aux principaux officiers une augmentation de leur paye, et distribuerent des terres à d’autres.

    Michel Pleschtchééff, Cyrille Klopoff, Basile Pouschkin, Jean Tiapkin, Jean Soukanin et Jean Gorokoff eurent ordre de rester à Moscou pour avoir l’oeil sur les démarches des strélitz.

    Les tsars en arrivant au bourg de Wosdwischenskoie, se douterent bien que Chovanskoi n’obéiroit pas plus à un second ordre qu’au premier. Ils prirent le parti de dissimuler et lui écrivirent une lettre pleine d’affection, dans laquelle ils louoient ses services, lui promettoient des gratifications et l’exhortoient à venir les joindre pour assister à un conseil. Un ton si flatteur et la réception prochaine du Hetman qui étoit en chemin pour Moscou firent donner Chovanskoi et son fils dans le piege. On ne lui donna pas le tems d’arriver à Wosdwischenskoe, il fut arrêté dans le bourg de Pouschkin avec 37 strélitz qui l’accompagnoient.

    Les pillages et d’autres excès qu’ils avoient commis, le crime de rebellion dont ils étoient atteints, déterminerent la cour à leur faire donner la question. Ils avouerent leurs crimes pour l’expiation des quels ils furent décapités à Wosdwischenskoe. Le knés Iwan Chovanskoi, autre fils de celui qui venoit d’être exécuté, se sauva à Moscou, où il chercha à soulever les strélitz, prétextant que l’exécution de son pere, celle de son frere et des strélitz avoient été faites sans la participation et l’ordre des tsars, et sans avoir été précédées d’aucun examen préalable.

    A cette nouvelle, les strélitz sonnerent le tocsin, battirent la caisse, prirent les armes resolus de se transporter au monastere de la Trinité pour y mettre tout à feu et à sang. Apprenant toutes fois que le nombre des troupes qui se rendoient auprès des tsars augmentoit chaque jour, la terreur se mit parmi eux, et ils songerent à se fortifier dans Moscou pour y soutenir un siege en cas de besoin.

    écrivirent au patriarche pour l’informer de l’exécution de Chovanskoi. Le colonel Pierre Zinovieff fut chargé de la lettre. Ce ne fut qu’avec peine qu’il échapa à la fureur des strélitz, qui le conduisirent chez le patriarche et lui ordonnerent de lire la lettre à haute voix. Leur fureur s’accrut quand ils entendirent la lecture de l’exécution de Chovanskoi; ils jurerent de la venger dans le sang de tous les gentilshommes.

    Zinovieff informa les tsars à son retour du soulevement des strélitz, ce qui les détermina à partir pour le monastere de la Trinité. Cependant les strélitz comparant leur petit nombre avec toutes les troupes qui se trouvoient auprès des tsars; apprenant d’ailleurs le zele avec lequel elles prétendoient defendre leurs souverains, le repentir prit la place de la mutinerie. Ils allerent trouver le patriarche et le supplierent d’interceder pour eux promettant de se tenir dans la suite dans les bornes du devoir et de l’obéissance. Le patriarche leur reprocha vivement leur sédition et leur promit néamoins d’aller au monastere de la Trinité pour solliciter leur grace auprès des tsars. Ils le supplierent à ne point s’y rendre lui même, mais de se contenter d’y envoyer de sa part des archevêques, parceque son départ les plongeroit dans l’accablement. Le patriarche n’obtint point aisément le pardon des strélitz; il leur fut accordé néamoins à condition, que les boutefeux de la rébellion fussent livrés. Trois mille sept cents hommes se séparerent du reste des strélitz, et demanderent le tems nécessaire pour se préparer à la mort. Ils prirent congé de leurs familles, se mirent des cordes au col et porterent des haches et des blocs. Dans cet état ils allerent trouver le patriarche, qu’ils supplierent derechef de parler en leur faveur aux souverains pour leur sauver la vie, et tâcherent de mettre les princesses dans leurs interêts. Les princesses et le patriarche suivi du principal clergé allerent au monastere de la Trinité, où les strélitz se rendirent aussi. A leur arrivée, ils furent entourés par les troupes, et on les fouilla pour savoir s’ils n’avoient point d’armes cachées. Après quoi les strélitz se prosternerent devant le palais et mirent leurs têtes sur des blocs. Leurs femmes et leurs enfants qui les avoient suivis s’adresserent aux tsars, à la tsarine et au patriarche et solliciterent leur pitié en faveur de leurs maris. La tsarine Natalia Kirilowna se rappella dans ce moment la mort cruelle et ignominieuse de ses freres, l’accablement de son pere, l’insulte faite à l’autorité souveraine, les frayeurs des jeunes monarques, celle dont elle avoit été saisie elle-même. Toutes ces réflexions la tinrent quelque tems indécise sur le pardon des coupables. Mais cousidérant les ruisseaux de sang qui étoient prês de couler, touchée de la posture humiliante du patriarche agenouillé devant elle, et sensible aux larmes des femmes et des enfants des coupables, le ressentiment fit place à la commisération. Elle supplia les tsars avec larmes de leur pardonner. Les tsars firent ouvrir les fenêtres de leurs appartements, firent une vive réprimande aux strélitz, et leur pardonnerent. Ceux-ci se leverent sur le champ et se prosternerent plusieurs fois devant leurs souverains, après quoi ils se retirerent.

    Le 6/17 de Novembre les deux monarques retournerent à Moscou, où ils firent une entrée pompeuse aux acclamations du peuple. Leurs majestés y firent publier le pardon accordé aux strélitz. Les gentilshommes accourus à leur secours furent récompensés et pour plus grande sûreté à l’avenir, on leur ordonna de s’établir à Moscou. C’est ainsi que finit cette revolte.

    REGENCE DE LA PRINCESSE SOPHIE

    Le tsar Jean Alexéewitsch étoit né infirme. Son frere cadet loin de s’occuper des amusements de l’enfance, s’appliquoit par goût à l’étude de l’art militaire, et d’autres sciences utiles. Il ne fut donc pas fort difficile à la princesse Sophie de se rendre maitresse de toutes les affaires.

    évolutions militaires nouvellement introduites, ne plaisoient nullement aux strélitz. De tout ce corps, Pierre premier n’aimoit que le régiment de Soukareff dont la fidélité lui étoit connue, et qui dans la derniere rebellion n’avoit eu aucune intelligence avec les revoltés. Aussi Pierre premier le gardoit-il toujours près de sa persone. Les autres régiments tâchoient d’inspirer à la princesse Sophie de la méfiance, à l’occasion du nouvel exercice militaire que Pierre premier avoit introduit. La princesse pour affermir son autorité, confia le bureau des strélitz à Tscheglovitoi conseiller privé, qui étoit en grande faveur auprès d’elle. Le département des affaires étrangeres fut conféré au knés Basile Galitzin. Il lui fut ordonné en même tems de prendre le titre de vice-roi de Nowgorod et de garde des sceaux. Elle nomma partie de ses créatures colonels des strélitz, et voulut que son nom se trouvât dans les ordonnances avec ceux des empereurs, et son buste aves celui des tsars sur les monnoyes. Les boyars, la noblesse et le peuple aimoient leurs souverains et desiroient ardemment qu’ils prissent en main les rênes du gouvernement: mais personne n’osoit parler par la crainte de quelque nouvelle entreprise de la part des strélitz.

    Il arriva dans ce tems là à Moscou, des ambassadeurs de la part du roi des Romains et du roi de Pologne. La princesse Sophie leur donna audience avec toute la magnificence possible.

    La paix perpétuelle qu’elle venoit de conclure avec les Polonois, lui fit naître l’idée d’entreprendre quelque expédition militaire, qui servit également à donner de l’éclat à son autorité et à la cimenter. Pour cet effet elle fit assembler une armée de 200 000 hommes qu’elle envoya en Crimée sous les ordres du knés Wassili Galitzin. Ce seigneur étoit alors premier-ministre, mais s’appercevant que Tscheglowitoi avoit plus d’influence dans les affaires que lui, et que l’établissement des troupes régulieres, fait par Pierre premier, reussissoit à vue d’oeil, la nécessité de se mettre à la tête des troupes lui servit de prétexte pour s’absenter de la cour. Ce fut donc lui qui fit à la princesse Sophie la premiere ouverture de cette expédition. Pierre premier fit tous ses efforts pour s’y opposer; mais ce fut envain, et la princesse l’emporta.

    L’armée n’entra que fort tard en campagne, ce qui donna aux Tatares de Crimée le tems de bruler toutes les herbes dans les déserts, ce qui incommoda extremement l’armée Russe. Cette disette de fourage l’obligea même de retourner sur ses pas sans avoir rien entrepris. La princesse pour sauver les apparences, loua la conduite des généraux et les récompensa.

    Quelques officiers principaux de la petite Russie accuserent Iwan Samoilowitz, leur Hettman, d’avoir écrit en Crimée pour faire bruler les foins dans les deserts. Cette accusation portée au knés Galitzin, il en parla à la princesse, qui donna la place de Samoilowitz à Mazeppa.

    écontent des services des généraux employés à l’armée, et supportant impatiemment l’autorité absolue que s’arrogeoit la princesse Sophie, entra dans l’appartement, où elle tenoit conseil avec les boyars. Le tsar fit des reproches à Galitzin d’avoir commis des excès dans les pays, par où il avoit passé, et d’avoir dégarni les frontieres en étendant trop ses troupes. Galitzin pour toute excuse promit d’entrer de bonne heure en campagne et avant que les herbes fussent sechées par la chaleur.

    Le tsar persistant dans son sentiment d’assurer la frontiere, ordonna aux knés Galitzin, au knés Michel Romodanowskoi et à Abraham Chitroff de garder les lignes de Belgorod avec un régiment d’infanterie chacun, ce qui faisoit un corps de 30 000 hommes. Pierre premier auroit fort souhaité de faire la campagne; mais il n’étoit pas majeur.

    Cependant la princesse Sophie, sans aucun égard pour les ordres de son frere, ordonna au prince Wassili Galitzin de rentrer en Crimée avec son armée. Il obéit, et bientôt il engagea une affaire avec les Tatares dans la plaine, qu’on nomme Noire. Il n’y eut point d’avantage marqué de part ni d’autre, et la campagne se finit dans le mois de Juin. La princesse ne laissa pas d’approuver la conduite des chefs de l’armée. Elle leur donna des médailles d’or et d’argent, et leur distribua des terres.

    Il s’en falloit bien que Pierre premier fut content de cette campagne. Il voyoit avec déplaisir que Galitzin eût ramené l’armée sans aucun succès distingué, et sans en avoir reçu l’ordre. La noblesse qui avoit servi sous lui, présenta de concert une requête aux tsars pour se plaindre de Galitzin. Elle y exposoit que l’armée ayant passé les deserts et les défilés, et se trouvant dans l’abondance de toutes sortes de provisions, il lui eût été facile de ruiner toute la Crimée; mais que bien loin de profiter de ses avantages, Galitzin l’avoit ramenée sur ses pas; qu’il étoit à présumer que le chef s’étoit laissé gagner par les présents du Kam de Crimée, dont on avoit vu entrer chez lui les émissaires. La noblesse terminoit sa requête par supplier les tsars d’exclure leur soeur du gouvernement, et d’en prendre eux-même les rênes, promettant de verser pour cette fin jusqu’à la derniere goutte de leur sang contre ceux qui voudroient s’y opposer.

    ête, et craignant d’être obligée de se désaisir de l’autorité qu’elle avoit en main, elle en fit avertir les strélitz. Cette soldatesque toujours prête à la revolte, forma sur le champ le dessein de déposer le tsar Iwan à cause de ses infirmités, et de massacrer le tsar Pierre avec la tsarine douairiere sa mere, et tous les seigneurs qui leur étoient attachés. La princesse Sophie devoit les remplacer sur le trone.

    Le tsar Pierre se maria pour la premiere fois le 17/28 Janvier 1689. Le 8/19 Juillet de la même année, les deux tsars se rendirent à l’eglise à l’occasion d’une cérémonie ecclésiastique. Lorsque la procession sortit de l’eglise, la princesse Sophie voulut marcher de front avec les deux tsars. Pierre premier lui représenta que sa démarche étoit contraire à l’usage, et qu’elle ne devoit point se trouver à cette cérémonie. La princesse sans égard aux représentations de Pierre premier, continua de garder la place qu’elle avoit prise. Le tsar indigné de sa fierté et de sa hauteur, alla à la cathedrale de St. Michel l’Arkange et de là au bourg de Colomenskoi. Cette marque de mépris mortifia extremement la princesse et lui fit hâter l’exécution de son dessein. Ce jour là même Tscheglovitoi concerta avec des colonels de strélitz et d’autres mécontents les mésures nécessaires pour massacrer Pierre premier, la tsarine sa mere, le patriarche, les boyars et les plus riches marchands, et piller ensuite leurs maisons. Après quoi la princesse Sophie devoit être élevée sur le trone.

    Environ vers le 10/21 Août, il y eut des assemblées secretes au Kreml près de la porte de St. Nicolas dans la maison d’un nommé Lykoff, où est aujourdhui l’arsenal. C’étoit là que Tscheglovitoi assembloit les chefs des strélitz pour délibérer avec eux sur les moyens de consommer leur attentat. Toutes les menées étoient tenues fort secretes. Le 18/29 Août 4 strélitz fideles accoururent à Preobraschenskoi, où étoit Pierre premier avec les deux tsarines sa mere et son epouse, et l’avertirent que le plus grand nombre des strélitz marchoient au Kreml pour massacrer le tsar et tous les seigneurs de son parti; qu’il falloit donc qu’il se mit quelque part en sûreté. Pierre premier se retira au couvent de la Trinité, où il fut suivi par la noblesse qui lui étoit attachée, et par le régiment de Souchareff.

    La princesse Sophie et ses partisans voyant leur dessein échoué par la découverte de leur complot, commencerent à trembler pour eux-mêmes. Pierre premier fit ordonner aux boyars, et à tous ceux qui avoient quelque emploi à Moscou de venir le joindre sans perdre de tems. Tout le monde obéit, à l’exception du knés Galitzin, de Tscheglovitoi et de quelques partisans intimes de la princesse.

    Cette fermeté de la part du tsar obligea la princesse de recourir au patriarche, pour le prier d’interposer sa médiation pour la reconcilier avec Pierre premier, et le prier d’oublier le passé. Le patriarche, qui ignoroit le complot, alla trouver le tsar pour s’acquiter de ce dont l’avoit chargé la princesse. Mais quand il eut été instruit de toute cette trame, l’horreur qu’il en conçut l’engagea à rester avec le tsar. Sophie ne voyant point revenir le patriarche, entrevit le danger dont elle étoit menacée, et prit le parti d’aller au monastere de la Trinité avec quelques unes de ses soeurs. Elle tenoit dans ses mains l’image du sauveur, et la prenoit à temoin de son innocence. Elle rencontra à Wosdwigenskoe Iwan Boutourlin gentilhomme de la chambre, qui venoit lui signifier de la part de Pierre premier de ne point aller au couvent de la Trinité — sous quelque prétexte que ce pût être. Elle n’obéit point à cet ordre, ce qui obligea de lui envoyer une seconde défense d’aller au monastere de la Trinité sur peine d’être traitée à la rigueur et sans égard pour sa personne. Bientot après le boyar Pierre Scherémetoff et Jean Netschaef — lieutenant colonel des strélitz vinrent la trouver et la sommerent de leur remettre sans délai le traitre Tscheglovitoi. La princesse fit son possible pour le cacher, assurant toujours qu’il étoit innocent. Cependant elle le fit préparer à la mort et lui administrer l’extrême onction. Le tsar Iwan Alexéewitsch lui députa en même tems son gouverneur pour la sommer de rendre Tscheglovitoi et les rebelles. Cette démarche du tsar fit sentir à la princesse combien son pouvoir étoit déchu. Elle se détermina donc à condescendre aux volontés des tsars. Les rebelles furent conduits aux couvent de la Trinité. La populace qui y étoit accourue insulta Tscheglovitoi en lui reprochant sa trop grande ambition. Il fut interrogé eu présence des boyars, appliqué à une question longue et douloureuse. Se voyant convaincu par des témoins, il prit le parti d’avouer ses crimes qu’il mit par écrit. Après quoi lui et les autres rebelles furent décapités devant le couvent.

    élitz fut confié ensuite au knés Iwan Troekouroff, à qui l’on recommanda de les tenir en bride et de les faire vivre dans la plus exacte discipline.

    Le prince Wassili Galitzin à son arrivée de Moscou, reçut ordre d’aller à l’auberge avec défense d’entrer dans le monastere. Peu de tems après, il fut appellé et arrêté sur l’escalier du palais, où ses malversations furent lues en présence du peuple. Il fut dégradé de noblesse, son bien confisqué et exilé dans un lieu fort éloigné.

    Pierre premier députa ensuite le knés Troekouroff au tsar Iwan Alexéewitsch son frere, pour le prier d’engager la princesse Sophie de renoncer à toutes ses vues ambitieuses, et de se choisir une retraite honorable dans un monastere. Cette princesse ne voyant plus de moyens de pouvoir se soutenir dans son poste, le ceda quoique malgré elle. Elle se sépara de ses soeurs et se renferma dans un couvent où elle finit ses jours. Le knés Fedor Romodanowski fut chargé de la garder avec un détachement de soldats. Les personnes qu’elle avoit employées et qui avoient eû part à sa faveur, furent eloignées dans des petites villes.

    Après toutes ces dispositions faites, Pierre premier revint à Moscou avec toute sa famille, où il fut reçu aux acclamations du peuple. Les strélitz se tinrent à son arrivée dans les postures les plus humiliantes. Le tsar leur fit grace — excepté à quelques-uns de leurs chefs, à qui l’on donna la torture et [qui] furent décapités ensuite. C’est ainsi que s’éteignit le feu de la revolte.

    Le tsar Iwan remit à Pierre premier le pouvoir suprême dont il étoit revêtu, et finit ses jours en menant une vie privée. La plus grande partie des strélitz furent envoyés dans différentes villes, ce qui diminua beaucoup leur crédit dans Moscou.

    1*

    Lorsque Pierre premier partit pour les pays étrangers à la suite de sa grande ambassade, le gouvernement de l’Empire fut confié à Tichon Nikititz Streschneff, et au knés Fedor Romodanowski, avec ordre d’assembler les boyars et de prendre leur avis dans les occasions délicates et critiques. Pendant son absence on apprit à Moscou dans le mois de Juin que quatre régiments de strélitz, envoyés sur les frontieres de la Lithuanie pour y observer les démarches des Polonois, venoient de se revolter, — avoient chassé leurs officiers qui ne vouloient point partager leur revolte, et qu’ils leur avoient substitués de leurs camarades; qu’ils prenoient de leur chef le chemin de Moscou, menant avec eux du canon, se proposant de massacrer les boyars, toutes les persones de quelque considération, et s’opposer au retour de Pierre premier. On sçut aussi, que leur dessein étoit de se faire joindre par la populace de Moscou et de déférer la régence de l’Empire à la princesse Sophie et à ses soeurs.

    A la premiere nouvelle qu’en eurent les ministres, ils dépêcherent un courier au tsar avec un détail circonstancié des découvertes qu’ils avoient faites. Le courier trouva Pierre premier à Vienne, ce qui obligea ce monarque de prendre la route de Moscou.

    Cependant les boyars qui étoient à Moscou resolurent de faire marcher contre les rebelles les généraux Schein et Gordon. Les strélitz firent des marches forcées pour se rendre à Moscou; et ils étoient déja arrivés au couvent de la Résurrection à 50 werstes de Moscou, lorsque les deux armées se trouverent en présence. Le général Schein députa aux strélitz pour les exhorter à rentrer dans leur devoir et à demander pardon de leur crime. Mais ces séditieux, loin de prêter l’oreille aux avis salutaires qu’on leur donnoit, accablerent d’injures et de reproches l’envoyé du général. Ils réjetterent de même avec insolence l’exhortation du général Gordon, et se préparerent sérieusement au combat.

    Dans le commencement de l’affaire les généraux se contenterent de faire tirer à poudre seule contre les strélitz, uniquement pour les épouvanter. Mais ceux-ci tirant à boulet contre les troupes du tsar en tuerent plusieurs. Celles-ci firent jouer à leur tour leur artillerie contre les rebelles, et les attaquerent en même tems avec tant d’intrépidité, qu’elles les eurent bientôt mis en déroute. Un grand nombre de strélitz resterent sur la place, quatre mille furent pris avec toute leur artillerie et leur bagage.

    à Moscou. On fit subir la question à leurs chefs, qui avouerent dans les tourments qu’ils n’avoient rien fait que par l’instigation de la princesse Sophie, au moyen de la correspondence secrete qu’ils avoient eue avec elle.

    Lorsque le tsar fut de retour à Moscou, il prit contre les rebelles le parti qui étoit du goût de tous les seigneurs de la cour et de tous les habitants de cette ville. Il fit taire sa clémence pour déployer sa justice contre des sujets qui avoient abusé si souvent de la premiere de ces vertus. Un grand nombre furent exécutés, et le reste dispersé dans des provinces eloignées ou incorporé dans d’autres régiments; quelques années après leur nom même fut pour ainsi dire éteint.

    Перевод под ред. Т. П. Кравца

    ЗАПИСКА О ПЕРВОМ СТРЕЛЕЦКОМ БУНТЕ в 1682 г.

    Горе царя Федора Алексеевича, причиненное смертью его первой супруги Агафьи Симеоновны и сына, царевича Ильи Федоровича, сильно повлияло на его здоровье. Его любимым правителем был в то время Языков. Царь объявил ему, что, зная о слабости своего здоровья и желая предупредить бедствия, могущие нарушить государственное спокойствие в случае его кончины, он намерен назначить наследником престола своего брата Петра Алексеевича.

    Ивана, и добавил, что Петр, напротив, сильного сложения и что к тому же бог наделил его выдающимися дарованиями, почему он и более достоин ему наследовать.

    Любимец, имевший какие-то счеты с Нарышкиными, сделал все возможное, чтобы отдалить царевича Петра от престола. Он даже посоветовал царю немедленно вступить во второй брак, чтобы дать государству наследника.

    „Я не раз беседовал с лекарями о твоем здоровье, — добавил он, — все мне отвечали, что ты скоро совершенно поправишься и будешь жить еще долго“. Государь, ободренный советами Языкова, женился на Марфе Матвеевне из рода Апраксиных, но вскоре его болезнь усилилась, и он скончался 27 апреля 1682 г.1

    За два дня до его кончины стрельцы, притесняемые своими полковниками, которые посылали их на различные работы, не давая отдыха даже в праздники, и под разными предлогами не доплачивали им жалованье, подали царю челобитную, в которой просили удовлетворить все их жалобы. Они поручили одному из своих товарищей снести ее в Стрелецкий приказ. Думный дворянин или советник канцелярии, Павел Петрович Языков принял челобитную, обещав доложить о ней князю Юрию Алексеевичу Долгорукому, начальнику приказа, и на следующий день дать ответ.

    Языков тотчас отправился к князю Долгорукому, но изложил ему дело неправильно. Он сказал, что стрелец, приходивший к нему с челобитной, был пьян и даже отзывался о князе непочтительно. Князь Долгорукий ответил, что если стрелец был пьян, то его следует завтра же бить кнутом перед съезжей избой для примера другим стрельцам.

    для примера всем другим. Два стражника, в сопровождении палача, отвели стрельца на место казни. Раздеваясь, чтобы принять назначенное наказание, он закричал другим стрельцам: „Ведь я подал челобитную по вашему поручению и с вашего согласия; как же вы позволяете меня так бесчестить!“.

    Тотчас прибежали несколько стрельцов и освободили своего товарища, избив стражников и палача. Присутствовавший здесь же дьяк или секретарь, который, на свое счастье, еще не успел спешиться, ускакал во весь опор и поспешил сообщить думному дворянину о том, что произошло.

    Стрельцы этого полка, которым командовал полковник Семен Грибоедов, были крайне возмущены этим случаем. В ту же ночь они столковались друг с другом, а на утро предложили стрельцам других полков действовать сообща и разузнали, кто еще из их полковых командиров дает повод для подобных жалоб.

    Из двадцати полковников, командовавших в то время 22 000 стрельцов, нашлось девять виновных. Стрельцы приняли решение добиться суда над своими командирами или всех их перебить.

    На следующий день, 27 апреля, в 4 часа пополудни скончался царь Федор Алексеевич.

    и других болезней отстранили от престола. Стрельцы охотно присягнули, после чего разошлись по домам. Похороны царя происходили 28, и весь этот день стрельцы вели себя спокойно; но 29 они толпой двинулись в Кремль просить нового царя, чтобы девять указанных ими командиров были схвачены тут же при них и чтобы их заставили вернуть незаконно удержанные деньги, а также заплатить за исполненные для них работы по представленному стрельцами счету; стрельцы кричали, что если им откажут в их требовании, то они сами о себе позаботятся, перережут этих командиров, разграбят их дома и тогда найдут, чем себя вознаградить. Они грозили, что на этом не остановятся, а выместят свое недовольство и на других изменниках, и добавляли, что это может стоить жизни многим знатным боярам, большинство которых они при этом и назвали; словом, что они больше не могут терпеть произвола своих командиров и плохого управления изменников, злоупотребляющих доверием государя.

    Такая смелая речь испугала двор. Было приказано задержать девять полковников, которым стрельцы предъявляли обвинение. Их в ближайшие два дня взяли и содержали в Рейтарском приказе. Стрельцы настаивали, чтобы полковников отдали в их руки, а уж они быстро с ними рассчитаются. В этом им было отказано, но зато им обещали, что государь велит рассудить их дело так, что они останутся довольны. Однако они не удовлетворились этим обещанием и продолжали настойчиво требовать выдачи своих командиров.

    Наконец несколько бояр, любимых стрельцами, и епископов, по отношению к которым, однако, стрельцы не проявили особенного почтения, уладили это дело так, что стрельцы, видимо, остались довольны. Полковников приговорили заплатить все, что стрельцы требовали с них по счету, и отстранили их от командования. Вместо них стрельцам обещали дать новых начальников, коими они будут довольны. Стрельцы требовали, чтобы полковники, которые часто их безжалостно мучили, были биты кнутом; но это наказание было смягчено. 1 и 2 мая на площади перед Стрелецким приказом их били батогами. Полковников раздели до рубашки, положили ничком, и два человека били их тонкими прутьями по спине до тех пор, пока стрельцы не признавали наказание достаточным. Те из полковников, на которых стрельцы были особенно озлоблены, были наказаны до трех раз. Тех же, кого стрельцы ненавидели меньше, пощадили, и они получили меньше ударов. Все делалось по их произволу, и никто не смел им прекословить.

    После этой расправы стрельцы благодарили государя за оказанное им правосудие, а полковники доставили деньги, которые они должны были заплатить. Некоторым пришлось отдать до 2000 рублей и более. Тех, кто расплатился раньше, отпустили первыми. Другие, оказавшиеся более медлительными, каждый день стояли на правеже по два часа подряд, пока не заплатили. Расплата закончилась в восемь дней. Затем полковников отпустили и сняли с должностей, после чего они уехали в свои поместья.

    Попустительство стрельцам не замедлило повлечь за собою много дурных последствий. Стрельцы постоянно намекали в своих речах, что новый царь был избран незаконно, что они не верят, будто бы старший царевич Иван Алексеевич не способен был царствовать из-за болезней, ему приписываемых, и еще менее верят, что он сам отказался от престола, а это было делом изменников, главными из которых были Нарышкины, отец и брат вдовствующей царицы, матери Петра I, которому в то время было 10 лет. Они даже говорили открыто, что не позволят править собою Нарышкиным и Артамону Сергеевичу Матвееву, который должен был вернуться из ссылки, и что скорее они их всех перебьют.2

    своей цели не столь крутыми средствами.

    Она пригласила к себе царевен, патриарха, высшее духовенство, бояр, воевод, дворян и крупных купцов. Она объяснила собравшимся, что царевич Иван, как старший, безусловно должен вступить на престол, что только это может предупредить смуты и междоусобицы. Все стрелецкие полки, — добавила она, — желают видеть на престоле царевича Ивана, который много старше царевича Петра, еще отрока и потому неспособного управлять государством.3 При этом царевна Софья добивалась одной цели — встать у власти, которою бы она тогда завладела благодаря своему влиянию на царя Ивана и слабости его здоровья. Душою всего этого заговора был боярин Иван Михайлович Милославский, человек тонкий и хитрый, близкий родственник Софьи со стороны ее матери.

    Патриарх объяснил царевне причины, заставившие царя Федора Алексеевича предпочесть царевича Петра, но она ему возразила, что этого недостаточно, что нужно спросить мнение стрельцов и народа и подчиниться их воле. Патриарх и духовенство ответили, что раз царевич Петр уже взошел на престол и признан государем, то у них нет власти лишить его престола.

    Потеряв надежду лишить престола Петра, царевна просила, чтобы по крайней мере его брат Иван был сделан соправителем. Патриарх возразил, что двоецарствие представляет много неудобств, что должен быть один царь и что так хочет бог. Затем он поклонился и вышел.

    4

    все меры, чтобы оказаться вне подозрений. Пока же всем этим заговором руководили трое царедворцев — Александр Милославский и два брата Толстых, а также два стрелецких полковника, Цыклер и Озеров, которые тайно и договорились со стрельцами о том, как им действовать.5

    Между тем боярин Иван Максимович Языков, любимец покойного царя Федора Алексеевича, и Алексей Тимофеевич Лихачев были сняты с должностей. Первый был оружейничим, а второй казначеем. Им запретили показываться на глаза новому государю, но позволили видеть младшую вдовствующую царицу.6 Старший сын Нарышкина, молодой человек 23 лет, получил звание боярина и оружейничего. Многие считали, что эта должность совсем не подобает его возрасту. Другой брат, Афанасий Кириллович, лет двадцати, был назначен комнатным стольником при царе Петре Алексеевиче.

    Эти назначения усилили ропот стрельцов, настроенных царевной Софьей против Нарышкиных. Боярин Артамон Сергеевич Матвеев, вернувшись из ссылки, остановился неподалеку от Москвы. Он не спешил въехать в город, желая предварительно убедиться, что раздражение уже улеглось. Но присутствие этого вельможи, равно почтенного как по своему возрасту, так и по огромному опыту в делах политических и военных, было сочтено совершенно необходимым вследствие происходящих событий. Государь послал ему навстречу одну из собственных карет, в которой Матвеев и прибыл в город 11 мая и вступил в свой дом, где все было уже приготовлено для встречи. На другой день он отправился во дворец и здесь был встречен с великим почетом как царем Петром I и царицей, его матерью, так и всеми царедворцами.

    приветствовать его возвращение. Со всех сторон ему присылали подарки. Даже несколько стрельцов поднесли ему от имени всех своих товарищей хлеб-соль, как это принято, когда кто-нибудь приезжает или вступает в новый дом. Невозможно выразить, как ласково, с каким смирением и слезами он принимал и обнимал тех, кто посетил его. Все, даже те, кто не принадлежал к числу его друзей, радовались его возвращению. Они надеялись, что его присутствие предотвратит волнения, которых опасались со стороны стрельцов.

    Этот вельможа, прибыв в Москву, отнюдь не одобрил столь быстрого повышения сыновей Нарышкина, особенно старшего. Он считал, что предоставленная стрельцам власть над их начальниками грозит самыми опасными последствиями, так как слишком хорошо знал их нрав, всегда расположенный к бунту и возмущению, что полностью и оправдалось впоследствии.

    После приезда Матвеева стрельцы только о том и говорили, что Боярская дума решила захватить зачинщиков того, что они называли между собою „добрым делом“, казнить их, а большую часть остальных разослать в отдаленные города. Дерзкое поведение Ивана Кирилловича Нарышкина окончательно озлобило умы. Это был молодой повеса, который не щадил самых старых вельмож и даже дергал их за бороды, что было в те времена крайним оскорблением. И многие из них жаловались на это в своих разговорах со стрельцами.

    В воскресенье 14 мая и на следующий день стрельцы всем рассказывали, будто Иван Кириллович в Мастерской палате надел царское платье и, усевшись на трон, заявил, что корона ему очень к лицу; когда же вдовствующая царица и царевна Софья стали упрекать его в дерзости, он пришел в такую ярость, что, внезапно вскочив, бросился на царевича Ивана, чтобы его задушить, и только стража, прибежавшая на крики царевен, удержала его от этого. Все это были, однако, только ложные слухи, которые распускали, чтобы еще сильнее восстановить народ против Нарышкиных.

    В понедельник 15/26 мая, когда бояре еще сидели в Думе, вдруг раздался громкий крик: стрелец, стоявший на карауле во дворце перед покоями царя, кричал, что Иван Нарышкин хотел задушить царевича Ивана Алексеевича. Сейчас же подняли тревогу, побежали бить в набат. Большинство стрельцов, бывших в Кремле, устремились во дворец, другие заняли выходы и никого не пропускали. Царедворцы, часть которых только что проснулась, попытались скрыться, как могли, другие попрятались. Много карет вельмож стали жертвами ярости бунтовщиков и были порублены в куски, а лошади искалечены.7

    уже подготовленные, ждали только сигнала. Они бросились, как бешеные, в Кремль с оружием, с развернутыми знаменами, захватив с собою пушки. Прибыв ко дворцу, все они кричали: „Выдайте нам изменников Нарышкиных, которые задушили царевича Ивана Алексеевича, а не то мы всех перебьем“.

    Бояре — князь Михаил Юрьевич Долгорукий, начальник Стрелецкого приказа, и Артамон Сергеевич Матвеев — вышли на Красное крыльцо и стали заверять стрельцов, что царевич Иван Алексеевич совершенно здоров и сейчас выйдет им показаться. Это их немного успокоило. Между тем царевна Софья велела выдать бунтовщикам несколько бочек водки под тем предлогом, что это их успокоит. Царица Наталья Кирилловна по настоянию бояр вышла на Красное крыльцо с царевичами и царевной Софьей. Это привело бунтовщиков в замешательство. Многие из них поднялись по лестнице и стали спрашивать у царевича Ивана — подлинно ли это он?8 Уверившись в этом, они закричали: „Ты будешь наш государь, да погибнут все изменники!“. Они тут же потребовали, чтобы царь Петр отдал скипетр своему старшему брату, что он и вынужден был сделать. Затем они снова стали кричать: „Выдайте нам изменников, главное — Нарышкиных, мы их всех перебьем; заточите в монастырь царицу Наталью Кирилловну; мы будем до последней капли крови защищать нашего государя Ивана Алексеевича и нашего царевича Петра Алексеевича!“ Князь Долгорукий и боярин Артамон Матвеев вышли вторично; Долгорукий, спустившись с Красного крыльца, ласково говорил со стрельцами и старался наставить их на правый путь, обещая все сделать, чтоб они были вполне удовлетворены.9

    Царевна Софья, боясь увещаний этого вельможи, тотчас послала предупредить стрельцов, что они должны сегодня же перебить всех, кто внесен в переданный им список, иначе завтра же гибель ожидает их самих.10

    Это привело стрельцов в ярость, и они не хотели более ничего слушать. Они схватили князя Долгорукого, а затем Матвеева и сбросили их обоих с Красного крыльца. Другие стрельцы приняли их на пики и, покончив с ними, притащили их голые трупы на большую площадь перед Кремлем.11

    во внутренние покои и церкви, забыв уважение к царям, вдовствующим царицам и царевнам. Там они нашли второго сына Нарышкина, Афанасия Кирилловича. Они за волосы втащили его на Красное крыльцо и сбросили на пики своих товарищей, которые его убили, как и первых двух, и приволокли тело на площадь, где лежали остальные.

    Думный дьяк Ларион Иванов и его сын Василий, которых стрельцы также нашли в одной из церквей, подверглись той же участи.

    Стрельцы, бывшие внизу, непрерывно кричали: „Да здравствует наш государь Иван Алексеевич и наш царевич Петр Алексеевич, и да погибнут изменники!“. В то же время те, которые стояли на крыльце, продолжали требовать выдачи Ивана Кирилловича Нарышкина.

    Во время этих событий невинно пострадал Федор Петрович Салтыков, молодой вельможа, отца которого очень любили стрельцы. Стрельцы, непрерывно требовавшие Ивана Кирилловича, увидев со спины молодого человека, торопливо входившего в церковь, закричали: „Вот Иван Нарышкин!“ — и тут же его схватили; так как он, страшно испуганный, не сумел назвать себя сразу, они его сбросили с крыльца, убили и притащили его труп к остальным. Но, заметив потом свою ошибку, они отнесли тело в дом его отца, который в то время был болен, и просили у него прощения. Отец отвечал им только, что такова воля божия, и велел вынести принесшим тело водки и пива.

    Вскоре был найден и убит, как и другие, князь Григорий Григорьевич Ромодановский. Его сына пощадили, может быть потому, что он не был в списке, а может быть, как говорили стрельцы, из уважения к тому, что он провел двадцать лет в плену у крымских татар.

    что вовсе не хотели убить его сына, и только когда тот заговорил с ними сурово и стал говорить, вместе с Артамоном Матвеевым, что их следует наказать, то они в запальчивости не сдержались; в этом они просили прощения у отца. Он не посмел ничего ответить, кроме того, что такова воля божия. Стрельцы весьма почтительно проводили его домой, где он приказал подать им водки и пива, сколько они захотят. Выпив, стрельцы его поблагодарили и простились с ним. В это время вошла жена сына Долгорукого, обливаясь слезами и оплакивая гибель своего мужа. Старец ответил ей пословицей: щуку съели, да зубы ее целы остались. Услышав это, один из стрельцов, задержавшийся в сенях, кликнул своих товарищей и сказал им: „Слышите, братцы, он нам еще грозится!“. Тогда они, как бешеные, бросились обратно, схватили старца, потащили за руки и за ноги к дверям дома, убили и, отрубив руки и ноги, бросили труп в грязи посреди улицы.

    Часть стрельцов осталась на ночь во дворце, другие охраняли городские ворота, а несколько человек отправились на поиски жертв, стоявших в списке. Они обыскивали их дома и дома их соседей.

    много унижений. Несколько стрельцов, один за другим, заходили в дом другого доктора, по имени Гутменш. На первый раз они, однако, не причинили ему зла. Когда же они еще раз пришли искать, несчастный испугался, подумав, что явились за ним, и спрятался на чердаке. Найдя доктора, стрельцы повели его с собой, говоря: „Ты друг Даниила, наверно ты его спрятал. Мы тебя не отпустим, пока его не найдем“. Схватили они и жену Даниила и поручили караулить Гутменша стрельцам, стоявшим на Красном крыльце, с которого бросали убитых вельмож. У них хватило, однако, жалости позволить отвести беременную жену Даниила в особую маленькую комнату. Обоих грозили убить, если не найдут доктора Даниила.

    16/27 с утра стрельцы снова собрались в Кремле, оставив только необходимое число людей в караулах у ворот. Наиболее дерзкие устремились в царские палаты в поисках Нарышкиных. Не найдя их, они убили прежде всего боярина Ивана Максимовича Языкова и думного дьяка или государственного секретаря Аверкия Кириллова, а также схватили русского полковника Григория Горюшкина, вытащив их из домов, где те скрывались. Их привели во дворец, дожидаясь, пока соберутся все стрельцы. Бедные жертвы, оправданий которых никто не слушал, были сброшены с Красного крыльца, как и остальные, на пики и бердыши стоявших внизу стрельцов. Потом их голые тела вытащили из Кремля и бросили рядом с трупами убитых накануне. Через час узнали, что на улице нашли переодетого сына доктора Даниила. Никто не пускал его к себе, боясь такой же участи. Стрельцы спросили, где его отец. Он ответил, что не знает; тогда и с ним покончили, как с другими, сбросив с крыльца. Доктора Гутменша убили таким же образом, и никто не стал слушать доказательств его невиновности. Стрельцы ему только объявили, что раз Даниил не разыскан, то придется ему отвечать, и раз он приготовлял лекарства, погубившие царя Федора Алексеевича, то заслужил такую участь. Хотели покончить также и с женой доктора Даниила. Младшая вдовствующая царица, с которой они еще немного считались, вступилась за нее и спасла ей жизнь. Но эту бедную женщину было бы трудно вырвать из их рук, если бы в это время стрельцы не услыхали, что схватили одного из Нарышкиных — молодого человека 20 лет, двоюродного брата тех Нарышкиных; его сейчас же убили. Полковник Андрей Дохтуров, из числа тех, против кого стрельцы подавали челобитную, найденный ими в церкви, под алтарем, подвергся той же участи. Днем на большую площадь притащили еще нескольк их писцов и их также убили. Так кончился этот день. Между тем весь день и всю следующую ночь стрельцы усердно искали лекаря Даниила и Ивана Кирилловича Нарышкина. Что до Кирилла Полуектовича Нарышкина, отца царицы, то в конце концов удалось уговорить стрельцов оставить ему жизнь, но ему пришлось немедленно постричься, и затем его сослали в дальний монастырь. Также сохранили жизнь трем его младшим сыновьям, которые воспользовались таким решением стрельцов и, не теряя времени, скрылись из Москвы.

    Утром 17/28 мая из Слободы, предместья, где жило большинство немецких офицеров, дошла весть, что там накануне схватили доктора Даниила, переодетого нищим; два дня и две ночи он скрывался поблизости в лесу и в конце концов, не выдержав голода, пришел в Слободу попросить поесть у кого-нибудь из своих знакомых; несколько стрельцов его узнали и задержали. Эта находка весьма обрадовала стрельцов. Сейчас же был послан отряд, который привел доктора из Слободы в Кремль к царским покоям, связанного, в одежде нищего, с сумой на боку и в лаптях. Царевна Софья и младшая вдовствующая царица сразу вышли и просили пощадить жизнь доктора. Они свидетельствовали, что он не виновен в смерти царя Федора Алексеевича, заверяли, что он сам первым пробовал все лекарства, приготовленные для государя, что и царица и царевна делали то же. Все это не подействовало на стрельцов; они закричали, что доктор не только цареубийца, но еще и колдун; что они нашли в его доме многоногое морское животное (полип)12 „Мы знаем, что Иван Кириллович Нарышкин прячется у вас; если вы выдадите его нам, мы успокоимся и прекратим всякие дальнейшие преследования, надеясь, что государь прикажет палачу наказать тех, кто еще остался в нашем списке, но скрылся. Мы готовы разойтись по домам, если только нам даруют полное прощение и не поступят с нами, за все происшедшее, как с мятежниками“.

    Все их требования были исполнены; но когда их стали просить пощадить Ивана Кирилловича Нарышкина и лекаря, они сразу заткнули себе уши и только повторяли: „Мы знаем, что Иван Кириллович спрятан у вас, выдайте его добром, не то мы будем его разыскивать, пока не найдем, и тогда будет хуже; довольно того, что мы помиловали старого Нарышкина и трех его младших сыновей, а Ивана Кирилловича мы непременно убьем собственными руками“. Их попросили немного подождать. Младшая вдовствующая царица и царевна Софья еще раз вышли и просили за Нарышкина. Вызвали даже митрополита с иконой богородицы, чтобы попытаться умилостивить этих злодеев, но все было напрасно.

    Наконец старшая вдовствующая царица, приказав причастить и соборовать своего брата Ивана, вышла вместе с ним; он держался позади нее и за иконой, которую нес митрополит. Обе царицы, которым царевна Софья притворно подражала,13 стали на колени и молили стрельцов оставить жизнь Ивану Нарышкину; но эти унизительные попытки ни к чему не привели. Один из злодеев, потеряв всякое уважение к царицам, поднялся на крыльцо и, схватив Ивана Нарышкина за волосы, силою вырвал его из рук царицы и стащил вниз. Затем Нарышкина вместе с доктором Даниилом повели в место, расположенное на окраине Кремля,14 чтобы подвергнуть обоих пытке, — суровая мера, не применявшаяся еще ни к кому из тех, кого прежде убили. Это было утонченной жестокостью с их стороны, чтобы сделать смерть более мучительной. Ивана Нарышкина пытали первого, и хотя его страшно истязали, он не отвечал ни слова. После этого несколько стрельцов стащили его на большую площадь перед Кремлем, где его изрубили на куски и насадили на железные острия его голову, ноги и руки.

    за стенами Кремля, где убили и изрубили тело на куски.

    Во время всех этих трагических сцен они соблюдали в своей среде весьма строгую дисциплину. Если кого уличали в малейшей краже или грабеже, то сразу наказывали. Каждый раз, как приводили новую жертву, давали знать во дворец и стучали в барабаны и били в набат до тех пор, пока несчастного не вытаскивали из Кремля и не убивали на большой площади. Осужденных на смерть вели на Красное крыльцо перед дворцом, и стрельцы, стоящие наверху, поднимали их, чтобы товарищи внизу могли их рассмотреть; затем они спрашивали: „Братцы, любо ли?“. Стоящие внизу отвечали: „Любо, любо!“ — и сейчас же подставляли свои пики и алебарды. Несчастную жертву хватали за руки и за ноги и бросали сверху на пики. Затем ее тащили на большую площадь за стенами Кремля, где и добивали. Было уже за полдень, когда убили доктора Даниила. Потом стрельцы явились ко дворцу и все кричали: „Теперь мы довольны. Пусть государь поступит с остальными изменниками по своей воле. Мы отдадим свою кровь до последней капли за цариц, царевен и нашего царевича“. После этого старший царевич Иван Алексеевич попросил стрельцов не принуждать его принять венец, так как он сам чувствует себя слишком слабым и не надеется долго прожить, а потому вполне добровольно уступает его своему брату Петру Алексеевичу. Тогда стрельцы все единодушно закричали: „Сохрани, господи, здоровье царевича Петра Алексеевича“. В конце концов царевич Иван склонил стрельцов своими просьбами и добился, чтобы вдовствующей царице Наталье Кирилловне разрешили остаться при сыне своем Петре Первом; раньше они намерены были заточить ее в монастырь.

    В течение трех дней, когда длился этот бунт, стрельцы подчеркивали в своих речах, что они действуют только во имя царя Ивана Алексеевича, хотя они обращали весьма мало внимания на его приказания и руководились только хвоей прихотью и яростью. Они утверждали, что если бы медлили с исполнением своего замысла, то сами рисковали бы жизнью, так как было принято решение вооружить всех слуг боярских, число которых превосходило число стрельцов по крайней мере вчетверо; это вызвало бы еще бо́льшую резню, и, может быть, тогда вся Москва была бы уничтожена огнем и мечом.

    17/28 мая к вечеру стрельцы объявили, что разрешают всем забрать своих покойников и похоронить их, что и было немедленно сделано. На большой площади остались только тела Ивана Кирилловича Нарышкина, доктора Даниила, его сына и доктора Гутменша. Это показывает, что дух стрельцов уже немного смягчился, так как еще утром они заявляли, что бросят все трупы в топь за городом на съедение собакам.

    Во время этого великого смятения никто не смел сказать стрельцам ни одного неприятного слова, не рискуя жизнью. Когда они хотели войти в какой-нибудь дом, приходилось сразу открывать перед ними двери, угощать пивом и водкой и давать столько денег, сколько они требовали.15

    16 были провозглашены царями Иван Алексеевич вместе с братом Петром Алексеевичем, причем на первом месте стоял Иван. Бояре из партии Петра, испуганные трагическими событиями, происходившими у них на глазах, были принуждены присягать царю Ивану Алексеевичу. Стрельцы доверили правление царевне Софье. Так кончился первый бунт. Царевна поручила князю Хованскому и его сыну Андрею управление Стрелецким приказом и в другие приказы и канцелярии посадила преданных ей бояр.

    Она прибавила также жалованье стрельцам, считая все эти меры необходимыми, чтобы укрепить свое положение.

    Князь Хованский и его сын Андрей, чтобы подслужиться к стрельцам, роздали им огромные суммы под видом возврата недоплаченных денег. Земли убитых бояр были взяты в казну, вещи проданы и деньги розданы стрельцам. Царевна Софья разрешила им воздвигнуть на большой площади перед Кремлем столб, на котором были обозначены имена убитых людей и преступления, им приписываемые. Кроме того, она приказала раздать стрельцам грамоты, в которых удостоверялось, что они уничтожили изменников и своим усердием и верностью спасли жизнь обоим царевичам. Оба царевича были венчаны на царство патриархом Иоакимом 25 июня — 6 июля 1682 г.17

    ВТОРОЙ СТРЕЛЕЦКИЙ БУНТ18

    Распоп, прозванный Пустосвятом. Несколько беглых и распутных монахов привлекли также на сторону раскола многих купцов и людей из самых низов. Они намеревались искоренить истинную веру и утвердить свою ересь по всей России. Обеспечив себе большое число сторонников и опираясь на покровительство князя Хованского, они подняли чернь.

    5/16 июля они торжественно пришли к соборной церкви, неся перед собою иконы, зажженные свечи и аналой. Патриарх Иоаким был тогда в соборе с архиереями и другими священнослужителями. Он стал увещевать раскольников покориться, обещая невозбранно обсудить с ними все разногласия. Но эти изуверы и слушать его не захотели. Именуя патриарха волком и лихоимцем, они стали бросать в него камнями и выгнали из церкви вместе со всем духовенством. Патриарх, прибежав в ужасном страхе в царский дворец, бросился в Грановитую палату и молил государей защитить церковь. Государи вызвали царевну Софью и созвали всех бояр. Собрание твердо решило принять крайние меры, чтобы помешать распространению раскола.

    Бояре, выйдя из дворца, известили стрельцов, что государям угрожает большая опасность. Преданные стрельцы тайно послали за своими товарищами, призывая их поспешить на защиту церкви. Стрельцы немедленно явились и объявили собравшимся раскольникам, что они будут защищать правую веру до последней капли крови. Затем они усилили все караулы вокруг дворца. Хованский, сделав вид, что не знает о происходящем, явился к государям с сообщением, что народ бунтует из-за веры. Он посоветовал государям созвать собор, чтобы успокоить толпу, добавив, что воинской силой подавить этот мятеж нельзя, так как раскольников слишком много. Государи задали ему вопрос: собирают ли соборы таким бесчинным образом, обличающим прямое намерение не собор собрать, а покуситься на злодейство?

    чтобы побить ими своих противников. Они подали царям челобитную, которая и была прочтена; после этого патриарх начал опровергать их доводы, а Афанасий, архиепископ Холмогорский, окончательно привел их в замешательство. Прежде этот архиепископ сам принадлежал к расколу, но, поняв свои заблуждения, вернулся в лоно церкви. Обманщик, не зная, что ответить, ударил архиепископа по лицу, а остальные подняли буйный крик. Цари прервали спор, удалившись в свои покои. Петр I поднял с головы корону и сказал: „Пока на моей голове эта корона и пока душа в теле моем, я буду защищать церковь и правую веру“; потом, обернувшись к боярам и другим царедворцам, добавил: „Дерзайте против наших общих врагов“. Затем он приказал прогнать раскольников из дворца и взять под стражу Никиту Распопа вместе с другими вожаками. Стрельцы, оставшиеся верными, сейчас же исполнили приказ государя. Патриарх и все духовенство бросились к ногам Петра I, благодаря за защиту церкви. 6/17 июля на площади перед Кремлем лжеучителю Никите отрубили голову. Его соумышленники и бродяги были биты кнутом и сосланы. Эти казни испугали Хованского и заставили замолчать как его, так и его приспешников; но в сердце они затаили злобу.

    Между тем стрельцы избрали выборных для сношения с государями; они стали называть себя не стрельцами, а надворной пехотой. Они пожаловались Хованскому, что начальники должны им деньги. Несмотря на ложность этого обвинения, Хованский без всякого расследования приказал их удовлетворить. В результате начальников приговорили к уплате нескольких тысяч рублей, что разорило многих из них.

    стали искать случая оказать Хованскому эту услугу. Но Милославский на время склонился перед грозой и тайком уехал в свою вотчину. Однако через некоторое время он снова появился при дворе. Он обвинил Хованского перед царевной Софьей, будто он на людях говорил о своем высоком происхождении, выводил свой род от королей и даже похвалялся, что женится на одной из царевен. Софья была возмущена его дерзостью; но она искусно это скрыла, твердо решив дать волю своему негодованию, когда придет время.19

    ТРЕТИЙ БУНТ20

    Сговорившись со стрельцами, Хованский поддерживал раскол и завершал подготовку своего преступного умысла. Государи, уведомленные о его тайных происках, 29 августа переехали из Москвы в Коломенское, увезя с собою всех бояр и прочих царедворцев. Хованский и не подозревал, что они поедут дальше.

    2 сентября на воротах Коломенского дворца оказалось прибитое письмо с предупреждением, что Хованский с сыном и сообщниками замышляют на жизнь государей, патриарха и бояр и даже хотят завладеть властью. Это известие заставило царей в тот же день уехать из Коломенского в село Воробьево, куда их сопровождали вдовствующая царица Наталья Кирилловна и царевна Наталья Алексеевна. 6-го они отправились в Саввин монастырь. Не успели Хованский и стрельцы узнать об отъезде государей, как они уже стали раскаиваться в том, что затеяли.

    Из Саввина монастыря государи послали указы ко всем городам, чтобы собирать ратных людей и посылать их к Троице для защиты своих государей от посягательства стрельцов. Одновременно было приказано явиться туда и Хованскому, но он не поехал. Как только дворяне получили грамоты, они собрали, сколько могли, людей и поспешили к Троице, побуждая друг друга к возможной быстроте действий. Их собралось около ста тысяч человек, и они умоляли государей показаться войску. Государи вышли к войску и рассказали о преступных замыслах стрельцов. Дворяне, возмущенные трусостью бояр, командиров и московских дворян, грозили изрубить их в куски за то, что они не защитили своих государей и дали столько воли стрельцам. Что до дворян окрестных городов, — прибавляли они, — то их следует лишить дворянства и причислить к мятежным стрельцам в наказание за то, что они плохо защищали своих государей и потакали стрельцам, вместо того чтобы их строго наказать.

    при первом же случае. Государи, убедившись в верности дворян, оставили при себе часть из них, а остальных отослали по домам. Перед их отъездом государи пожаловали военачальников прибавкой жалования и наградили землями остальных.

    Михаилу Плещееву, Кириллу Хлопову, Василию Пушкину, Ивану Тяпкину, Ивану Суханину и Ивану Горохову было приказано остаться в Москве, чтобы наблюдать за действиями стрельцов.

    Прибыв в село Воздвиженское, государи отлично понимали, что Хованский ослушается второго приказа, как ослушался первого. Они решили прибегнуть к хитрости и написали ему весьма благосклонное письмо, в котором хвалили его заслуги, обещали награды и призывали его приехать, чтобы присутствовать на совете. Видя столь лестное обращение, а также и ожидая скорого приезда гетмана, который был уже на пути в Москву, Хованский с сыном попались в ловушку. Им не дали доехать до Воздвиженского и схватили в селе Пушкине, вместе с сопровождавшими их 37 стрельцами.

    Беззакония и преступления, совершенные Хованскими, как и участие их в преступном мятеже, заставили двор подвергнуть их пытке. Они признались в своих преступлениях и искупили их смертью; им отрубили головы в Воздвиженском. Князь Иван Хованский, второй сын казненного, бежал в Москву, где пытался поднять стрельцов под предлогом, будто его отец, брат и стрельцы были казнены помимо указа государей и без всякого предварительного следствия.

    При этом известии стрельцы ударили в набат, забили в барабаны, взялись за оружие, решив отправиться в Троицкую обитель, чтобы предать там все огню и мечу. Но когда они узнали, что численность войска, собравшегося при государях, с каждым днем растет, ими овладел страх и они решили укрепиться в Москве, чтобы выдержать здесь, если понадобится, осаду.

    заставили прочитать грамоту вслух. Их бешенство еще возросло, когда они услышали о казни Хованского; они поклялись отомстить за нее кровью и перерезать всех дворян.

    Вернувшись, Зиновьев уведомил государей о стрелецком бунте, что заставило их отправиться в Троицкую обитель. Между тем, когда стрельцы сообразили, как их мало по сравнению со всем войском, собравшимся вокруг государей, и узнали к тому же, что это войско готово их защищать, то ярость стрельцов сменилась раскаянием. Они пошли к патриарху и молили его заступиться за них, обещая в будущем не нарушать своего долга и покорности. Патриарх горько укорял стрельцов за бунт, но все же обещал им отправиться в Троицкий монастырь, чтобы просить государей о помиловании их. Стрельцы просили, чтобы он не ехал туда сам, а послал вместо себя архиереев, так как его отъезд повергнет их в уныние. Патриарх с трудом добился помилования стрельцов; все же оно было им даровано под условием выдать зачинщиков мятежа. Три тысячи семьсот стрельцов отделились от остальных и просили дать им время приготовиться к смерти. Они простились со своими семьями, надели веревки на шеи и понесли с собой топоры и плахи. В таком виде они пошли к патриарху и снова стали молить его заступиться за них перед государями и спасти им жизнь; они старались также склонить на свою сторону и царевен. Царевны и патриарх в сопровождении высшего духовенства направились к Троице, куда пошли и стрельцы. Когда стрельцы прибыли, они были окружены войсками, и их обыскали, ища спрятанного оружия. После этого стрельцы пали на колени перед дворцом и положили головы на плахи.

    Жены и дети, пришедшие вслед за стрельцами, взывали к государям, царице и патриарху, моля пощадить их мужей.

    Царица Наталья Кирилловна в ту минуту вспомнила жестокую и позорную смерть своих братьев, уныние своего отца, унижение власти государственной, ужас, пережитый юными государями, страх, испытанный ею самой. Из-за этих мыслей она некоторое время не могла решиться простить виновных. Но когда она подумала о потоках крови, готовых пролиться, тронутая униженным видом патриарха, стоявшего перед ней на коленях, чувствительная к слезам жен и детей стрельцов, злопамятство в ней сменилось состраданием и она стала слезно умолять государей пощадить стрельцов. Государи приказали открыть окна в своих покоях, сделали стрельцам гневный выговор и помиловали их. Стрельцы тотчас встали, троекратно поклонились в землю своим государям и удалились.

    6/17 ноября оба государя возвратились в Москву, совершив торжественный въезд в город под радостные клики народа. Государи приказали обнародовать помилование стрельцам. Дворяне, которые поспешили на помощь государям, были награждены, и, чтобы обеспечить прочное спокойствие в будущем, им было приказано поселиться в Москве. Так кончился этот бунт.

    21

    Государь Иван Алексеевич родился немощным. Его младший брат, не предаваясь детским забавам, с охотой изучал военное искусство и другие полезные науки. Поэтому царевне Софье было нетрудно забрать все дела в свои руки.

    Вновь введенные воинские упражнения отнюдь не нравились стрельцам. Из всего стрелецкого войска Петр Первый любил только Сухаревский полк, преданность которого была ему известна и который во время прошлого бунта не имел никаких сношений с мятежниками. Поэтому Петр Первый всегда держал его при себе. Другие полки пытались внушить царевне Софье недоверие по поводу нового воинского обучения, введенного Петром. Чтобы укрепить свою власть, царевна поручила Стрелецкий приказ думному дьяку Шакловитому, своему личному советнику, который пользовался ее большим расположением. Посольский приказ был вверен князю Василию Голицыну, которому вместе с тем было велено именоваться новгородским наместником и хранителем государевой большой печати. Она назначила своих ставленников полковниками стрелецкого войска и требовала, чтобы ее имя писалось в указах рядом с именами государей, а ее изображение давалось вместе с изображениями государей на монетах.22

    Бояре, дворянство и народ любили своих государей и горячо желали, чтобы они взяли в руки бразды правления; но никто не смел высказать этого из страха нового выступления стрельцов.

    под начальством князя Василия Голицына. Этот вельможа был в то время верховным правителем, но, заметив, что Шакловитый пользовался бо́льшим влиянием в делах, чем он, и что создание регулярных войск, осуществляемое Петром Первым, проходит с явным успехом, он хотел воспользоваться необходимостью стать во главе войска, чтобы под этим предлогом удалиться от двора. Поэтому он первый поднял речь перед царевной Софьей об этом походе. Петр Первый всеми силами старался этого не допустить, но тщетно; царевна настояла на своем.

    Войско выступило в поход очень поздно, что дало крымским татарам время сжечь траву в степях, а это вызвало большие затруднения для русского войска. Недостаток фуража заставил его возвратиться обратно, ничего не предприняв. Чтобы скрыть неудачу, царевна одобрила действия военачальников и наградила их.

    Некоторые военачальники в Малороссии обвиняли своего гетмана Ивана Самойловича в том, что это он написал в Крым, советуя сжечь траву в степях. Когда это обвинение дошло до князя Голицына, он доложил о нем царевне, которая отдала должность Самойловича Мазепе.

    Петр Первый, недовольный службой военачальников и нетерпеливо переносивший захват самодержавной власти царевной Софьей, вошел в палату, где она заседала в совете бояр. Государь стал упрекать Голицына, что тот допускал насилия над населением тех мест, через которые проходил, а также, что он обнажил границы, чрезмерно растянув свои войска. Голицын, вместо оправдания, обещал выступить в [следующий] поход рано, прежде чем жара высушит траву.

    Государь настоятельно требовал укрепить границу и приказал, чтобы князь Голицын,23 походе, но он еще не достиг совершеннолетия.

    Черной равнины. Поход закончился в июне, не принеся существенного успеха ни одной из сторон. Царевна тем не менее одобрила действия военачальников, пожаловала им золотые и серебряные медали и наградила их землями.

    Петр Первый отнюдь не одобрял этого похода. Он с неудовольствием видел, что Голицын привел войско назад, не получив на то приказа и не добившись сколько-нибудь значительного успеха. Дворяне, служившие под начальством Голицына, сообща подали государям челобитную, в которой жаловались на него. Они писали, что войско, уже прошедшее через степи и теснины и находившееся среди всяческого изобилия, могло легко разорить весь Крым, но Голицын никак не воспользовался своими преимуществами, а пошел назад; поэтому они полагали, что их начальник был подкуплен крымским ханом, посланцев которого у него видели. Дворяне кончали челобитную просьбой, чтобы государи отстранили от власти свою сестру и взяли бразды правления в собственные руки; они обещали до последней капли крови бороться с теми, кто будет этому препятствовать.

    ЧЕТВЕРТЫЙ БУНТ24

    Царевна Софья, узнав о челобитной и боясь, что ее заставят выпустить власть из рук, известила стрельцов. Эта солдатчина, всегда готовая к бунту, тотчас решила низложить болезненного царя Ивана и убить царя Петра, его мать, вдовствующую царицу, и всех преданных им вельмож. На престол должна была вступить царевна Софья.

    итти рядом с обоими государями. Царь Петр заметил ей, что ее поступок нарушает обычай и что ей совсем не следовало участвовать в этом обряде. Царевна, несмотря на указание Петра Первого, осталась на занятом ею месте. Царь, возмущенный ее гордостью и высокомерием, направился в Архангельский собор, а оттуда удалился в село Коломенское. Этот знак неуважения страшно оскорбил царевну и заставил ее ускорить исполнение своего замысла. В тот же самый день Шакловитый совещался со стрелецкими начальниками и другими недовольными о том, как убить Петра Первого, царицу-мать, патриарха, бояр и самых богатых купцов и разграбить их дома, после чего возвести на престол царевну Софью.

    С 10/21 августа происходили тайные сборища в Кремле, близ Никольских ворот, в доме некоего Лыкова, где теперь находится арсенал. Сюда Шакловитый собрал начальников стрелецких полков, чтобы обсудить с ними, как осуществить покушение. Все переговоры держались в глубокой тайне. 18/29 августа 4 верных стрельца прибежали в Преображенское, где находился Петр Первый с двумя царицами — матерью и супругой, — и предупредили его, что множество стрельцов устремилось в Кремль с целью убить царя и всех преданных ему знатных людей; поэтому он должен укрыться в каком-нибудь безопасном месте. Петр Первый удалился к Троице, куда за ним последовали преданные ему дворяне и Сухаревский полк.

    Царевна Софья и ее сторонники, увидев, что их план не удался и заговор открыт, испугались за себя. Петр Первый приказал боярам и всем московским служилым людям немедленно явиться к нему. Все повиновались, кроме князя Голицына, Шакловитого и нескольких близких царевне людей. Непреклонность царя заставила царевну обратиться к патриарху с просьбой быть посредником и примирить ее с Петром, убедив его забыть о прошлом. Патриарх, не знавший о заговоре, пошел к царю, чтобы исполнить поручение царевны. Но, узнав о злых умыслах стрельцов, он был охвачен ужасом и решил остаться с царем. Софья, видя, что патриарх не возвращается, поняла грозящую ей опасность и решила с несколькими своими сестрами отправиться в Троицкий монастырь. Она держала в руках образ Спасителя, как бы беря его в свидетели своей невиновности. В Воздвиженском ее встретил Иван Бутурлин, комнатный стольник, который приказал ей от имени Петра Первого ни под каким видом не являться в Троицкий монастырь. Так как она ослушалась приказа, то ей вторично было послано запрещение итти в Троицкий монастырь под угрозой, что в противном случае с ней будет поступлено строго и без уважения к ее особе. Вскоре прибыли к Софье боярин Шереметьев и стрелецкий подполковник Иван Нечаев и потребовали, чтобы она немедля выдала им изменника Шакловитого. Царевна всеми силами старалась укрыть его, продолжая уверять, что он невиновен, но однако велела подготовить его к смерти и соборовать. Тем временем царь Иван Алексеевич прислал к ней своего дядьку, требуя выдачи Шакловитого и мятежников. Этот поступок царя показал царевне, насколько ослабела ее власть. Поэтому она решила согласиться на требование государей. Мятежников отвели в Троицкий монастырь. Собравшаяся там чернь осыпала Шакловитого оскорблениями, упрекая его в честолюбивых замыслах. Его допрашивали перед боярами, подвергнув долгой и мучительной пытке. Видя, что он изобличается свидетелями, он решил сознаться в своих преступлениях и сделал это письменно. После этого ему и другим бунтовщикам отрубили головы перед монастырем. Стрелецкий приказ был затем отдан князю Ивану Троекурову, которому было приказано держать стрельцов в повиновении и ввести самую строгую дисциплину.

    Князю Василию Голицыну, приехавшему из Москвы, было приказано отправиться на подворье и запрещено являться в монастырь. Через некоторое время его вызвали и схватили на крыльце дворца; здесь его преступления были оглашены перед народом. Он был лишен княжеского достоинства, его имущество взяли в казну, а его сослали в отдаленное место.

    в монастыре.

    Князю Федору Ромодановскому было поручено охранять ее с отрядом солдат. Тех, кто ей служил и пользовался ее расположением, разослали в незначительные города.

    Приняв все эти меры, Петр Первый со всей своей семьей возвратился в Москву, где был встречен радостными криками народа. В это время стрельцы держались самым униженным образом. Царь помиловал их всех, кроме нескольких начальников, которых велел пытать, а затем казнить. Так было потушено пламя мятежа.

    в Москве.

    ПЯТЫЙ БУНТ25

    с ними в затруднительных и опасных случаях. В июне месяце, во время отсутствия Петра в Москве, узнали, что четыре стрелецких полка, посланные на границу Литвы для наблюдения за поляками, взбунтовались, прогнали своих начальников, отказавшихся участвовать в бунте, и поставили на их место своих товарищей; что они самовольно идут к Москве, везя за собою пушки, и собираются истребить бояр и всех значительных людей, а также воспрепятствовать возвращению Петра Первого в Москву. Узнали также, что они собираются присоединить к себе московскую чернь и хотят передать управление государством царевне Софье и ее сестрам.

    Тотчас по получении этих сведений правители послали нарочного к царю с обстоятельным донесением обо всем, что было открыто. Гонец нашел Петра Первого в Вене, и его донесение заставило государя направиться в Москву.

    от Москвы, когда оба войска встретились. Посланец Шеина убеждал стрельцов вернуться на путь долга и просить прощения в своем преступлении, но мятежники, не слушая спасительных советов, осыпали его оскорблениями и упреками. Они также дерзко отвергли увещание генерала Гордона и готовились к упорному бою.

    В начале боя начальники ограничились тем, что дали по стрельцам несколько холостых выстрелов, для острастки. Но стрельцы стреляли в войско государя ядрами и убили многих. Тогда генералы, в свою очередь, пустили в ход против мятежников артиллерию, а затем напали на них с такой отвагой, что вскоре обратили их в бегство. Множество стрельцов осталось на месте, четыре тысячи были захвачены со всей артиллерией и обозом.

    Пленных отвели в Москву. Их начальников пытали, и под пыткой они признались, что действовали только по наущениям царевны Софьи, поддерживавшей с ними тайные сношения.

    на тех подданных, которые так часто злоупотребляли первою из этих добродетелей. Много стрельцов было казнено, остальных разослали в отдаленные места или перевели в другие полки; через несколько лет самое имя их, так сказать, угасло.26

    Печатается впервые по рукописи французского перевода с несохранившегося оригинала, составленного Ломоносовым. Рукопись хранится в Гос. Публичной библиотеке им. М. Е. Салтыкова-Щедрина (Отдел редкой книги, Библиотека Вольтера, № 242, т. II, лл. 384—400).

    Русский перевод с французского перевода также печатается впервые.

    Время написания — сентябрь — не позднее 10 октября 1757 г.

    „Экстракт о стрелецких бунтах“ упоминается в „Примечаниях“ на рукопись „Истории Российской империи при Петре Великом“ Вольтера (см. работу 6 в настоящем томе, стр. 94), в числе материалов, которые Ломоносов обещал приготовить для Вольтера.

    Переданная Шувалову 10 октября во вновь обработанном виде („еще переписав“) рукопись включала также „Сокращенное описание самозванцев“ (акад. изд., т. VIII, стр. 199), которое не было переведено на французский язык и не сохранилось.

    „Описание стрелецких бунтов и правления царевны Софьи“ принадлежит к числу „сокращенных экстрактов“, составлявшихся Ломоносовым по историческим источникам. Из подобных экстрактов он упоминает в письмах к И. И. Шувалову: „Сокращенное описание дел государевых Петра Великого, которое я имею“ (письмо 2 сентября 1757 г.), „Сокращение о житии“ царей Михаила, Алексея и Федора, которое он старается „привести к окончанию“ (письмо 10 октября 1757 г.). Они не сохранились.

    Источниками для составления „Описания стрелецких бунтов и правления царевны Софьи“ Ломоносову служили: рукописные, довольно широко распространенные в копиях и имевшиеся также в Библиотеке Академии Наук записки графа А. А. Матвеева и рукописное же „Описание дел... Петра Великого“ П. Н. Крекшина. Эти сочинения были опубликованы впервые Ф. О. Туманским в „Собрании разных записок и сочинений, служащих к доставлению полного сведения о жизни и деяниях... Петра Великого“ (1787, ч. ч. I и VI). Критику этих источников, особенно ошибок Крекшина, см. в кн. Н. Я. Аристова „Московские смуты в правление царевны Софии Алексеевны“ (Варшава, 1871).

    — донесение датского резидента Бутенанта фон Розенбуша о событиях 15—17 мая 1682 г., напечатанное в „Theatrum Europaeum“, т. XII, Франкфурт-на Майне, 1691, стр. 441—448.

    „Записки, касающиеся этих пяти стрелецких бунтов, содержат только достоверные факты. Но зато слог их весьма не выправлен. Краткость времени не позволила сделать лучше“.

    В числе 14 вопросов Вольтера, посланных Шувалову 1 августа 1758 г., был вопрос, дающий основание думать, что к этому времени Вольтер получил „Описание стрелецких бунтов“. Он спрашивал: „не нужно ль будет только слегка коснуться происшествий, кои предшествуют царствованию Петра Великого, дабы не истощить внимание читателя, нетерпеливо желающего видеть все, что сей великий муж учинил“ (Письма г. Волтера к графу Шувалову и некоторым другим российским вельможам. 1757—1773. Переведено с французского Н. Левицким. М., 1808, стр. 27).

    Среди ответов на вопросы Вольтера, отправленных Шуваловым 23 октября 1758 г. и полученных Вольтером 21 декабря (Письма г. Волтера..., стр. 28), находится ответ на это сомнение Вольтера, имеющий непосредственное отношение к сочинению Ломоносова. „Г. Вольтер вправе поступить, как он найдет нужным. Но разные заметки и статьи, которые ему посланы, весьма помогут выправить ошибки иностранных писателей, слишком мало осведомленных и только списывающих друг у друга.

    — перевод с рукописи, составленной в свое время сыном несчастного боярина Матвеева, умерщвленного в связи с первым бунтом. Так как в этих статьях есть много подробностей, которые не подойдут под план сочинения г. Вольтера, то вероятно он использует их, лишь взяв квинт-эссенцию и наиболее интересное, каковы, например, различные ведомости об армии, о флоте, о доходах казны и пр.“ (текст на французском языке, Библиотека Вольтера, № 242, I, л. 355—355 об.). Вольтер принял это указание и дал в своей „Истории“ подробное изложение стрелецких бунтов, использовав экстракт Ломоносова в главах IV и V „Истории“. Глава IV Ivan et Pierre. Horrible sedition de la milice des strélitz (Иван и Петр. Ужасный мятеж стрелецкого войска) снабжена примечанием: „Извлечено полностью из записок, присланных из Москвы и Петербурга“, а глава V Gouvernement de la princesse Sophie. Querelle singulière de religion. Conspiration (Правление царевны Софьи. Необычайная распря о вере. Заговор) — примечанием: „Извлечено полностью из записок, присланных из Петербурга“. Во многих случаях текст Вольтера почти дословно воспроизводит сочинение Ломоносова.

    Описание событий, связанных со стрелецкими бунтами 1692—1698 гг., тщательно составленное Ломоносовым, имеет большой интерес: оно впервые давало обобщенную и вместе подробную историю этих событий. Включенная в „Историю“ Вольтера работа Ломоносова стала достоянием широких читательских кругов Западной Европы.

    1 — начало повествования о первом стрелецком бунте является пересказом „Сказания о рождении, воспитании и наречении на всероссийский престол царский государя Петра Великого...“ П. Н. Крекшина, в то время известного лишь в рукописных списках; кроме „Собрания“ Ф. О. Туманского, оно было два раза издано отдельно, но под именем автора появилось впервые в „Записках русских людей“ И. П. Сахарова (ч. I, 1841). Ссылки делаются по этому изданию; настоящее место находится на стр. 21.

    2 Стр. 136. всех перебьют — начиная со слов (стр. 133) текст взят из немецкого „Донесения“ датского резидента Бутенанта фон Розенбуша о бунте стрельцов в мае 1682 г. (Theatrum Europaeum, XII, 1691). Ссылки делаются по книге Н. Г. Устрялова „История царствования Петра Великого“ (т. I, 1858), где этот источник напечатан по подлинной рукописи на немецком языке; настоящее место находится на стр. 330—333.

    3 Стр. 136. управлять государством — от начала абзаца составлено по Крекшину; см.: Сахаров, стр. 30—32.

    4 Стр. 137. другие награды — от слов

    5 Стр. 137. действовать — этот абзац составлен по запискам А. А. Матвеева, в то время распространенным в рукописных копиях. Ссылки делаются по сборнику И. П. Сахарова „Записки русских людей“ (ч. I, 1841). Настоящее место является пересказом стр. 12—13.

    6 Стр. 137. — идет речь о вдове Федора Алексеевича Марфе Матвеевне; старшей была Наталья Кирилловна, вдова царя Алексея Михайловича.

    7 лошади искалечены — со слов —334.

    8 Стр. 140. подлинно ли это он? — от слов составлено по Матвееву и Крекшину; см.: Сахаров, стр. 19—20 и 33.

    9 Стр. 140. они закричали... удовлетворены — взято из донесения Розенбуша; см.: Устрялов, стр. 335.

    10 их самих — абзац взят по Крекшину; см.: Сахаров, стр. 34.

    11 большую площадь перед Кремлем — имеется в виду, по другим источникам, Красная площадь перед Спасскими воротами.

    12 Стр. 144. полип — у Розенбуша Seekräbs — краб, омар.

    13 Софья притворно подражала — вставка принадлежит Ломоносову, по смыслу согласуясь с текстом Матвеева.

    14 место, ... на окраине Кремля — имеется в виду Пытошное место, застенок в Константиновской башне (у Розенбуша Peinbank).

    15 Стр. 147. — от слов Они схватили князя Долгорукова (стр. 140) взято в сокращенном виде из донесения Розенбуша; см.: Устрялов, стр. 335—342.

    16 — дата ошибочна; следует 29 мая — 9 июня.

    17 Стр. 148. — 6 июля 1682 г. — со слов составлено по Матвееву (см.: Сахаров, стр. 34, 35, 38) и по Крекшину (см.: Сахаров, стр. 39, 40).

    18 Второй стрелецкий бунт — рассказ изложен по Крекшину; см.: Сахаров, стр. 41—45.

    19 — эта фраза взята из записок Матвеева; см.: Сахаров, стр. 42.

    20 Стр. 150. Третий бунт — события изложены в сокращенном виде по Крекшину; см.: Сахаров, стр. 45, 47—51, 51—52, 52—53, 56—60.

    21 Стр. 154. Правление царевны Софьи — события изложены в сокращенном виде по Крекшину (см.: Сахаров, стр. 61—63, 76—79) и по Матвееву (см.: Сахаров, стр. 49—51).

    22 — вместе с ответом Вольтеру по поводу стрелецких бунтов ему было сообщено подробное описание изображения выпущенного в правление Софьи золотого жетона с бюстами царей Ивана и Петра на одной стороне и ее собственным в короне со скипетром на другой стороне (см. репродукцию у М. М. Богословского, Петр I, т. I, стр. 80).

    23 Стр. 156. — имеется в виду Михаил Андреевич Голицын.

    24 Четвертый бунт — текст первых двух абзацев изложен сокращенно по Крекшину (см.: Сахаров, стр. 79—80), остальное по Матвееву (см.: Сахаров, стр. 52—58).

    25 Стр. 160. Пятый бунт — события изложены сокращенно по Матвееву; см.: Сахаров, стр. 60—63.

    26 имя их... угасло — в завершающем абзаце Ломоносов опустил имеющиеся в записках Матвеева известные подробности стрелецкой казни 1698 г.

    1* На полях написано

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